Conférence de l’ONU sur l’Océan: «La vision royale invite à une nouvelle lecture de la relation de l’Afrique avec l’Atlantique», estime un expert en droit de la mer

Miloud Loukili, professeur à l'Université Mohammed V de Rabat, spécialiste du droit de la mer.

Le 15/06/2025 à 13h06

VidéoLors de la Conférence des Nations unies sur l’Océan, achevée vendredi à Nice, le roi Mohammed VI a lancé un appel fort: l’Afrique doit s’approprier sa façade atlantique pour la transformer en un espace de développement et de prospérité.

Le message du roi Mohammed VI à la Conférence des Nations Unies sur l’Océan, conclue vendredi à Nice, a eu un écho retentissant, notamment son appel à l’Afrique à s’approprier sa façade atlantique pour en faire un levier de développement et de prospérité.

Une approche qui a reçu un accueil chaleureux, notamment de la part du groupement des 23 pays africains qui forment cette façade maritime. Miloud Loukili, professeur de droit maritime à la faculté de droit de Rabat Agdal (FSJES), l’a qualifiée de véritable «Mare Nostrum afro-atlantique», allusion à l’expression latine qui fait référence à la Méditerranée.

Dans le message royal lu par la princesse Lalla Hasnaa, le Souverain a livré une «vision stratégique» visant à «conforter le rôle maritime de l’Afrique». Pour Miloud Loukili, cette vision «extraordinaire» est «un véritable plaidoyer royal pour un new deal afro-atlantique relatif à une nouvelle grille de lecture des relations entre les pays africains et l’Atlantique».

«Dans le monde dans lequel nous vivons, caractérisé par le retour des vieux démons de la guerre, du populisme et hélas des cracheurs de haine, une voix sage émerge de cette partie du monde, celle de sa Majesté, qui consiste à fédérer et à mutualiser les énergies».

Pour ce spécialiste marocain du droit de la mer, «cette initiative est louable à plus d’un titre pour les pays africains riverains de l’Atlantique. Elle va leur permettre de se réapproprier l’espace atlantique, qui, hier encore, était en quelque sorte la chasse gardée des pays occidentaux. Désormais, pour Sa Majesté, il faut considérer l’Atlantique comme un véritable levier de développement».

Selon Miloud Loukili, cette démarche répond aux enjeux de développement des pays riverains de l’Atlantique, un espace doté d’abondantes ressources halieutiques. Il constate néanmoins des «agressions» infligées à cette zone par des pays tiers, citant la surpêche, la pêche illégale ou illicite, la pollution, la criminalité transnationale, la piraterie et le terrorisme.

Pour barrer la route à ces obstacles, le Roi a proposé «une vision globale de coopération entre les pays africains de l’Atlantique».

Ce qui rend cette vision unique, d’après lui, c’est son caractère solidariste et son appel à un engagement profond et durable en faveur des pays de l’intérieur, des pays du Sahel et des nations enclavées, qu’il compare aux «damnés de la terre».

Le roi Mohammed VI ne souhaite pas que ces nations soient les «damnés de la mer, les laissés pour compte». C’est dans cette optique qu’il a suggéré de leur reconnaître un débouché atlantique et d’initier un «mégaprojet sur la façade atlantique». Ce dernier vise à «garantir à ces pays de l’intérieur, à savoir le Tchad, par exemple, le Niger, le Burkina Faso, le Mali, un accès à l’Atlantique».

Selon les observateurs, l’initiative royale est une approche sérieuse et envisageable dès la fin des travaux du port de Dakhla, contrairement aux vœux pieux de certaines parties. Pour Miloudi Loukili, ce port offre «un débouché qui intègre la dimension logistique, englobant les routes, les communications et toutes les activités connexes».

«C’est une vision solidaire, que l’on pourrait qualifier de prospective, mais surtout très réaliste», a-t-il indiqué. En effet, «il faudrait absolument que la mer soit un vecteur de développement, d’autant plus que cette vision s’inscrit parfaitement dans l’agenda 2063 de l’Union africaine».

Par Mohamed Chakir Alaoui et Yassine Mennan
Le 15/06/2025 à 13h06