Sur le Boulevard Zerktouni, à un jet de pierre du Rond-point d’Europe, se trouve une immense villa d’une valeur marchande de plusieurs millions de dirhams. Le bien a été loué, pendant des décennies, pour la modique somme de 100 dirhams par mois. Une fois son locataire décédé, c’est le gardien de la villa qui l’a occupée pendant une longue période, n’hésitant pas à en sous-louer des parties… à la journée. La commune de Casablanca n’a finalement pu reprendre possession des lieux qu’au bout d’une procédure judiciaire.
Pour insolite qu’il soit, le cas de la villa de Zerktouni est loin, très loin d’être isolé. Selon une récente étude commandée par le Conseil de la ville de Casablanca auprès d’un cabinet, le nombre de biens immobiliers communaux dans des situations similaires avoisine les 14.000, entre villas, appartements, commerces et autres cafés et restaurants.
C’est que nous confirme Karim Glaïbi, élu du Parti authenticité et modernité (PAM) siégeant au conseil: «De nombreux citoyens louent des biens communaux, y compris dans des quartiers chic de la ville, pour des loyers ne dépassant généralement pas les 100 dirhams».
Des squatteurs en «pension complète»
Un autre élu apporte des éléments encore plus étonnants: non seulement certaines personnes, dont des fonctionnaires publics et d’anciens élus, bénéficient de biens communaux sans payer de loyers, mais en plus, leurs factures d’eau et d’électricité sont prises en charge par la commune.
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«C’est un lourd héritage laissé par les précédents conseils, et aucun des anciens présidents n’a osé soulever le problème et s’y attaquer de manière sérieuse. Aujourd’hui, la commune n’a plus le choix, au vu des recettes dont elle a besoin pour financer les chantiers en cours ou ceux programmés pour les prochains exercices», ajoute notre interlocuteur.
Déjà, un premier objectif est posé: augmenter les recettes de la commune de 10% chaque année. Un immense chantier, quand on sait que, selon des sources internes, les recettes actuellement générées par les biens communaux ne dépassent pas les 10 millions de dirhams. Une broutille au vu de l’importance du patrimoine immobilier de la ville.
«Aujourd’hui, le dossier est sur le bureau de la maire Nabila Rmili», affirme Karim Glaïbi, déclaration que nuance un autre membre du Conseil de la ville qui a requis l’anonymat. «L’étude a été réceptionnée, mais elle n’a pas encore été présentée devant les membres du Conseil. Cela se fera dans les prochains jours», affirme-t-il, précisant que la question ne relève pas uniquement du ressort des élus. «Le ministère de l’Intérieur intervient aussi pour la revalorisation des loyers, et le Conseil n’hésitera pas à recourir à la justice, malgré le coût que cela implique», assure-t-il.
La Banque mondiale est passée par là
Et le passage à l’action devient urgent, notamment à cause de la pression exercée par la Banque mondiale, qui apporte depuis quelques années un soutien financier à la commune de Casablanca à travers des prêts bonifiés.
«Cette institution financière internationale, comme partout où elle intervient, exige des garanties. Et parmi celles-ci figure l’assainissement de la situation du patrimoine de la commune de Casablanca», explique un élu de la majorité, pour qui la question devrait transcender les clivages politiques et les petites polémiques.
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Interrogées sur la valeur globale que pèsent les biens communaux de Casablanca en question, plusieurs sources ont indiqué que l’opération de recensement n’est pas encore terminée, car la liste comprend aussi des propriétés communales non titrées, et qui représenteraient 30% du total. «Il est difficile d’avancer un chiffre exact, mais ces biens sont d’une valeur qui dépasse de loin les 70 milliards de dirhams», affirme un élu.