Faciliter l’intégration sociale et améliorer la qualité de vie des personnes en situation de handicap, tel est le souhait du gouvernement, qui a adopté, le 9 mai dernier, un décret portant sur l’attribution d’une carte spéciale. D’après le ministère de la Solidarité, de l’Insertion sociale et de la Famille, ce sésame permettra à son porteur d’accéder à des services sociaux, médicaux et paramédicaux essentiels.
D’une durée de validité de 7 ans, cette carte pourra être renouvelée au moins deux mois avant sa date d’expiration. Interrogée par Le360, Salma Benhamza, directrice du pôle Action sociale et levée de fonds de l’Amicale marocaine des handicapés (AMH) précise que cette mesure répond à une obligation légale établie par la loi sur la protection sociale et la loi-cadre n° 97.13.
«La carte n’est pas une fin en soi, mais plutôt un outil destiné à faciliter l’accès aux droits prioritaires pour les personnes handicapées. Ce dispositif revêt une importance particulière, car il nécessite la fourniture de services essentiels, reconnus comme des droits fondamentaux, dont l’implémentation a été injustement retardée pendant près de cinquante ans. En effet, le dossier relatif à cette carte remonte à 42 ans, soulignant ainsi un long parcours de revendications et de négociations», explique-t-elle.
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Après l’adoption du décret relatif à cette carte, le ministère avait annoncé la création d’une plateforme numérique pour la réception des demandes. Mais d’après Salma Benhamza, «bien que la plateforme ait été créée, elle n’est pas encore opérationnelle. À ce jour, la seule plateforme mise à disposition des personnes en situation de handicap est celle pour l’obtention de l’attestation du handicap».
Des critères pour évaluer la situation des demandeurs
Le décret précise qu’une commission médicale territoriale évaluera les aptitudes des demandeurs, tandis que des travailleurs sociaux se chargeront d’évaluer leur participation sociale et l’impact des «facteurs environnementaux» sur ces personnes. Un comité régional d’évaluation du handicap sera aussi créé en vue d’examiner et d’émettre un avis sur les demandes de carte soumises.
Lors d’un récent entretien avec la chaîne Medi1 TV, Ahmed Chikhi, chef de la division de la prévention des accessibilités et de l’assistance au ministère de tutelle, avait déclaré que ce système d’évaluation, développé au cours de deux dernières années, se réfère à la classification internationale de fonctionnement de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Cette évaluation, qui sera réalisée en coordination avec du ministère de la Santé et du ministère de l’Intérieur, permettra d’analyser les capacités de la personne en situation de handicap à exercer ou non des activités en relation avec la mobilité, la communication, l’éducation, l’emploi, la vie communautaire, etc. «Nous allons également analyser sa perception du regard de la société, des lois, des médias, etc., ainsi que ses projets de vie, souhaits et besoins. Des éléments qui nous permettront d’avoir une vision claire de la situation du demandeur», a-t-il précisé.
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D’après le responsable, le programme d’attribution sera d’abord déployé, en phase pilote, dans des provinces d’une première région (sans la nommer), avant d’être étendu sur le territoire national, en collaboration avec l’Entraide nationale et l’Agence de développement social (ADS), qui ont travaillé dans de nombreux programmes dédiés aux personnes en situation de handicap. À travers cette carte, le ministère disposera, d’«un système de ciblage fiable pour déterminer les personnes éligibles aux différentes prestations sociales mises en place par le gouvernement».
Peu de visibilité sur les avantages de la carte
Mais pour Salma Benhamza, il n’existe pas encore d’informations sur les démarches nécessaires pour l’obtention de cette carte. «Nous restons attentifs aux communications officielles et espérons obtenir bientôt des informations détaillées pour les partager avec les personnes concernées et leurs familles, afin de faciliter leur accès à ce dispositif», souligne notre interlocutrice.
Il y a également peu de visibilité sur les avantages auxquels elle donne droit. «Le ministère n’a pas communiqué clairement sur les détails des avantages offerts par cette carte aux personnes en situation de handicap. Nous attendons des clarifications supplémentaires pour comprendre l’étendue des services et des bénéfices que cette carte promet de fournir», soutient-elle.
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En attendant ces clarifications, la responsable de l’AMH livre les attentes de l’association. «Nous exigeons une carte qui assure véritablement la dignité des personnes en situation de handicap et facilite leur accès aux services essentiels. Cette carte doit compenser les coûts supplémentaires liés au handicap et protéger contre toute forme de discrimination fondée sur le handicap», déclare-t-elle.
Et d’ajouter: «En plus des services médicaux et paramédicaux, elle doit aussi garantir l’accès à un logement décent et à des installations publiques adaptées. En matière de droits civiques, la carte doit garantir le droit de vote et une participation active à la vie politique, assurant que les voix des personnes handicapées soient entendues et prises en compte dans les décisions qui les concernent». En somme, ce sésame doit incarner «un véritable instrument de changement, un engagement envers l’égalité et l’inclusion, offrant à chaque personne handicapée les moyens de mener une vie digne, riche et pleine de possibilités», conclut Salma Benhamza.