1- Pas la peine.
Le Maroc s’acheminerait vers l’abrogation de la peine de mort. Même s’il l’applique très rarement, cette sentence est une pratique barbare qui ne résout aucun problème. Cela a été maintes fois démontré: ce n’est pas parce que la peine de mort existe que des individus ne commettent pas des crimes abominables. Son aspect dissuasif est illusoire.
La personne qui passe à l’acte et tue est certes coupable d’avoir commis un crime impardonnable. La tuer à son tour ne rendrait pas la vie à sa victime. En revanche, une peine de prison à perpétuité est une punition qui maintient la personne en question hors d’état de nuire, loin de la société, privée à jamais de liberté. Elle passe sa vie face à sa conscience et à des souffrances que la peine de mort ne donne pas.
Le Maroc peut se permettre d’abroger la peine de mort. C’est une marque de modernité et de progrès.
La justice et la police travaillent avec une rare fermeté. Les gens savent qu’en principe, aucun crime ne restera impuni. Les faits divers de cette gravité sont plutôt rares et les criminels sont très souvent retrouvés et mis entre les mains de la justice.
Je ne peux qu’encourager mon pays à franchir le pas et abandonner la pratique de la peine de mort. Pour ceux qui doutent de son inefficacité, je les renvoie à l’excellent livre de Robert Badinter, qui, en 1981, en tant que ministre de la Justice de François Mitterrand, avait réussi à faire voter par l’Assemblée nationale l’abrogation de cette peine. Il y décrit tous les arguments pour et contre, et à la fin de la lecture, on ne peut que voter pour l’abrogation de cette punition qui n’honore pas le pays qui l’applique dans sa justice, comme c’est le cas de nombre d’États américains.
Cela n’enlève rien à la justice qui s’exerce avec la sévérité proportionnelle à la gravité du crime.
2- Pas de peine.
J’ai appris qu’un ingénieur agronome de 34 ans, Ismaïl Ghazaoui, membre du mouvement «Boycott, désinvestissement et sanctions» contre Israël (BDS), a été condamné par le Tribunal correctionnel de première instance de Casablanca à un an de prison ferme. Deux autres activistes anti-normalisation, Saïd Boukioud et Abderrahmane Azenkad, ont été condamnés, pour le même motif, à 5 ans de prison ferme.
Ne confondons pas les choses. Condamner un État et son Premier ministre qui mène un génocide sur la population de Gaza est une chose. Ne pas être d’accord avec la normalisation avec cet État est un point de vue qui existe et qui ne devrait pas être pris pour un délit entraînant des années de prison.
Exprimer une opinion est une liberté garantie par la Constitution. Tant que cette opinion ne rejoint pas les ennemis de notre pays et de notre intégrité territoriale, elle a le droit d’exister. À ma connaissance, ces personnes condamnées n’ont pas remis en question la marocanité de notre Sahara. Elles ont été horrifiées, comme un nombre important d’observateurs, par la barbarie de l’armée israélienne, ce qui a amené le Tribunal pénal international (TPI) à lancer un mandat d’arrêt contre Netanyahu pour crimes de guerre.
Au lendemain de la signature, en décembre 2020, des Accords d’Abraham, on peut dire que le peuple marocain avait plutôt bien réagi. Quelques mois plus tard, des milliers de touristes israéliens sont venus au Maroc. Ils ont été très bien accueillis, au point que certains professionnels du secteur du tourisme se sont mis à apprendre l’hébreu pour améliorer la qualité de l’accueil.
Les choses ont complètement changé après le massacre du 7 octobre 2023. J’avais condamné cette action terrible du Hamas, qui allait avoir des répercussions atroces sur la population civile de Gaza. Nous en sommes aujourd’hui à plus de 42.000 morts, dont une majorité de femmes et d’enfants. C’est un génocide, une opération bien réfléchie pour un «nettoyage ethnique» dont rêvait Netanyahu.
Aujourd’hui, vous ne trouverez pas un Marocain qui approuverait ce génocide.
Cela ne doit pas être confondu avec les «Accords d’Abraham» qui ont une importance politique déterminante et qui ont engagé une bonne dynamique pour résoudre le conflit du Sahara que le régime algérien s’évertue, en mobilisant des moyens colossaux, à faire perdurer.
À mon humble avis, il faut libérer ces citoyens qui militent ouvertement pour que la cause palestinienne ne soit pas enterrée avec les dizaines de milliers de victimes à Gaza et au Liban. Leur action ne remet pas en cause les «Accords d’Abraham» signés et consolidés, surtout avec la réélection de Donald Trump.
3- Rude peine.
J’ai revu cette semaine l’excellent film oscarisé «La vie des autres» (2006), du cinéaste allemand Florian Henckel. C’est l’histoire d’un dramaturge et de sa compagne actrice qui vont être espionnés chez eux, car soupçonnés de ne pas être loyaux envers la ligne du Parti communiste. Nous sommes en Allemagne de l’Est, trois ans avant la chute du mur de Berlin.
C’est cette police criminelle, la Stasi, qui a formé dans le temps les services de renseignement algériens.
Ce qui arrive aujourd’hui à notre ami Boualem Sansal, est de cet ordre de cruauté. Le film a une fin tragique. Espérons que Sansal sera libéré avant qu’un tel drame ne survienne. La pression internationale ne devra pas cesser. Les protestations non plus.
Ce soir se tient à 20H00, au Théâtre Libre à Paris, une grande soirée de solidarité avec Boualem Sansal. Pendant ce temps-là, l’ambassadeur de France est convoqué par le ministre des Affaires étrangères d’Alger.
Ne pas céder.
Ne pas faiblir.
Ne pas oublier Boualem Sansal.