Cette circulaire risque de dégrader la relation entre médecins et infirmiers spécialisés en anesthésie-réanimation. Le ministre de la Santé et de la Protection sociale, Khalid Aït Taleb, avait appelé les infirmiers anesthésistes, dans une circulaire diffusée mercredi 7 septembre 2022, à assurer la continuité des interventions chirurgicales ainsi que les actes d’anesthésie-réanimation dans les différents établissements de soins du Royaume et ce, en dépit de l’absence des médecins spécialisés en anesthésie-réanimation.
Cette circulaire n’a pas été du goût des médecins spécialisés en anesthésie-réanimation, et risque même de perturber le climat du travail dans les blocs et services des urgences et de réanimation. La Fédération nationale des médecins anesthésistes du Maroc (FNAR) a dénoncé, dans un communiqué publié le 9 septembre, cette décision de la tutelle, prise unilatéralement et sans consultation préalable des représentants des médecins anesthésistes. «Nous dénonçons cette circulaire dont nous avons pris connaissance avec étonnement, sur les réseaux sociaux», lit-on dans ce document.
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Alors que le ministre de la Santé et de la Protection sociale s’est appuyé sur la pénurie de médecins anesthésistes pour justifier sa décision, ces derniers estiment que «le sous-effectif dont souffre cette spécialité dans le secteur public ne justifie en aucun cas d’annoncer des décisions qui vont à l’encontre des recommandations internationales et des études scientifiques», précise la FNAR qui rappelle les efforts déployés par les médecins anesthésistes, ainsi que leur dévouement tout au long de la crise du Covid-19.
«Plusieurs hôpitaux n’ont aucun médecin spécialiste en anesthésie et réanimation, d’autres ont un effectif très réduit ne permettant pas d’assurer la prise en charge des patients 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Ce sont donc les infirmiers anesthésistes qui ont, tout le temps, endossé cette tâche sans aucune couverture juridique», avait déclaré, Abdelilah Asaissi, président de l’Association marocaine des infirmiers anesthésistes-réanimateurs (AMIAR), pour Le360.
Il convient de préciser que le Maroc compte 942 médecins spécialisés en anesthésie-réanimation, dont 458 qui exercent dans le secteur privé, avec une concentration dans les grandes régions. En fait, 58% des médecins anesthésistes pratiquent dans l’une des trois régions de Fès-Meknès, Casablanca-Settat et Rabat-Salé-Kénitra, apprend-on de la carte sanitaire du ministère de la Santé et de la Protection sociale. La région de Dakhla-Oued Eddahab ne compte que 3 anesthésistes, soit un de moins que la région de Laâyoune-Sakia El Hamra.
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Plusieurs provinces du Royaume ne comptent qu’un seul médecin spécialisé en anesthésie-réanimation, notamment Benslimane, Berrechid, Chefchaouen, El Hajeb, Essaouira, Ifrane, Sidi Kacem, et Youssoufia.
Un petit rappel. Conformément à la circulaire de la tutelle, les infirmiers anesthésistes du secteur public «doivent assurer temporairement les interventions urgentes prescrites par le chirurgien ou le médecin responsable des urgences qui ne peuvent être différées en l’absence du médecin spécialiste en anesthésie-réanimation», annonce Khalid Aït Taleb.
Tout refus d’apporter aide et assistance à un malade ou à une personne en danger «constitue un acte incriminé par le Code pénal, dont la peine est plus sévère que la responsabilité civile résultant des actes d’anesthésie proprement dits», argue le ministre, tout en soulignant que les infirmiers anesthésistes ont suffisamment de compétences, à la fois théoriques et pratiques, pour mener à bien le travail d’anesthésie et de réanimation sans mettre la vie des citoyens en danger.