L’annonce du licenciement abusif du journaliste marocain Abdessamad Nacir par la chaîne d’information satellitaire Al Jazeera n’a pas fini de verser de l’encre.
Considéré comme l’un des piliers de la chaîne basée au Qatar, le présentateur vedette du journal télévisé l’avait rejointe dès 1997, très peu de temps après sa création, riche de son charisme, de son cursus universitaire et de son expérience professionnelle au sein de la SNRT.
Si jusqu’à présent aucune information officielle émanant du média en question n’a daigné fournir d’explications, plusieurs voix n’ont pas hésité à relier la décision à son patriotisme et à ses prises de position.
Le communiqué publié par le Syndicat national de la presse marocaine vient confirmer ce qui avait déjà circulé la veille, sur les réseaux sociaux, via des parties proches du dossier.
On apprend en substance qu’à la suite d’un tweet de Abdessamad Nacir, sous forme de réaction indignée défendant l’honneur du Maroc et de la femme marocaine, insultés de la manière la plus abjecte dans la télévision d’État algérienne, il s’est vu sommé par le directeur d’information d’Al Jazeera de supprimer le tweet qui dénonce par la même occasion cette bassesse et cette immoralité inqualifiables.
Face à son refus et à son objection de la liberté d’expression dans un support personnel indépendant, il s’est vu convoqué, cette fois par le directeur général de la chaîne, de nationalité algérienne -ceci expliquant cela!- qui renouvelle l’injonction.
À défaut, il lui aurait proposé de moduler le tweet, de façon à ne pas donner l’impression de nuire à l’État algérien, au risque de se voir contraint de recourir à des sanctions administratives radicales.
La suite, on la connaît!
Des questions s’imposent dès lors…
Si c’est la neutralité qui l’étouffe, pourquoi aucune mesure n’a été prise contre des caisses de résonnance patentées du régime algérien, et accessoirement journalistes, officiant au Qatar, diffusant chacun avec son style spécifique sur Twitter, depuis le brut de décoffrage avec ses gros sabots, en passant par la méthode digne de vipères fielleuses, crachant tous leur venin sur tout ce qui touche le Royaume du Maroc, ses symboles, ses institutions…?
Où est l’indépendance tant proclamée par cette chaîne, manifestement otage de lobbyistes qui dirigent sa ligne éditoriale avec, entre autres illustrations, l’absence totale de toute trace de turpitudes du régime des caporaux de ses écrans radars?
Dans cette guerre médiatique qui ne dit pas son nom et dans laquelle la culture est une arme aussi puissante que le reste, la chaîne n’a pas manqué de s’illustrer par de nombreuses appropriations culturelles, qualifiant de Maghrébins ou d’Andalous, ce qui est spécifiquement marocain, et pratiquant du vol manifeste –ou des manquements déontologiques graves, ce qui revient au même!
Un exemple parmi d’autres avec ce reportage sur son site consacré à la «Danse du baroud, folklore qui immortalise la résistance algérienne contre l’occupation française», illustré par la vidéo de la danse guerrière des Jbala, typique sous cette forme, avec ses costumes et ses fameuses ghayta (flûtes de pan) du Nord du Maroc, avec en toile de fond, pour couronner le tout, notre drapeau rouge national orné de l’étoile verte!
Par ailleurs, n’est-ce pas Al Jazeera qui a fait sien le slogan «L’opinion et l’autre opinion», brandissant la pluralité comme credo et se targuant de mettre fin aux logiques unilatérales?
À moins qu’il ne s’agisse, pour reprendre l’expression du journaliste et auteur dramatique Aurélien Scholl, de respecter «l’opinion des particuliers en général et l’opinion des généraux en particulier»!
Pauvre Al Jazeera, réduite à exécuter les désidératas de l’ambassade d’Algérie à Doha qui, au final, doivent bien épouser les siens!
Dire qu’elle devait s’atteler à tenter de convaincre le monde occidental de sa rigueur, alors qu’elle perdait et continue à perdre, en cours de route, une partie du monde musulman!
Comment croire en effet à un quelconque pluralisme éditorial au sein de la chaîne, si des libertés sont accordées à ceux qui attaquent et des diktats sont imposés à ceux qui s’en indignent à travers le champ d’expression offert par les réseaux sociaux, allant jusqu’à la menace et à l’expulsion?
Ceci étant dit, la plus grande perte est celle de la crédibilité et du sens de l’honneur non celle d’un travail, facilement remplaçable au vu de tout le background.
Quand on considère la valeur des journalistes marocains à l’intérieur et à l’extérieur du pays, quand on se remémore le cas du journaliste franco-marocain Rachid M’Barki et le procès digne de l’inquisition subi pour avoir simplement prononcé les mots «Sahara marocain» sur BFMTV, une dernière question nous servira de conclusion.
C’est pour quand une grande chaîne marocaine à vocation internationale, mettant en avant notre histoire, notre culture et notre patrimoine?
«Une île qu’il nous reste à bâtir», dirait Jacques Brel , «Une île au large de l’espoir»…