L’Agence marocaine des médicaments et des produits de santé verra bientôt le jour. Dans une récente déclaration pour Le360, le ministre de la Santé et de la protection sociale, Khalid Aït Taleb, a indiqué que son département travaille actuellement sur les décrets d’application pour que cette structure puisse voir le jour d’ici la fin de l’année.
Cette agence, qui remplacera la Direction du médicament et de la pharmacie (DMP), aura pour principales missions de coordonner l’élaboration de la politique pharmaceutique nationale, sa mise en œuvre, son suivi, et son évaluation. Elle sera aussi en charge de la régulation et du contrôle du secteur pharmaceutique et des produits de santé, ainsi que de la disponibilité et de l’accès aux médicaments et aux produits de santé.
Une stratégie de développement du secteur
Contactée par Le360, Layla Laassel Sentissi, directrice exécutive de la Fédération marocaine de l’industrie et de l’innovation pharmaceutiques (FMIIP), s’en réjouit: «C’est une bonne initiative que nous attendons depuis plusieurs années. On espère que ce retard sera rattrapé». Quant aux attentes, «il est essentiel que l’Agence des médicaments mette rapidement en place une stratégie pour développer concrètement l’industrie locale des médicaments génériques et biosimilaires», renchérit-elle.
Selon l’industrielle pharmaceutique, la révision du dispositif règlementaire sur les prix des médicaments s’avère nécessaire pour promouvoir le Made in Morocco. «Nous attendons que l’agence prenne en compte les recommandations de la Fédération marocaine de l’industrie et l’innovation pharmaceutiques dans la préparation des textes règlementaires relatifs aux prix des médicaments. Le décret de 2013, publié en 2014 et qui donne 10% de marge supplémentaire aux produits importés, n’encourage pas la fabrication locale, et devrait être revu», explique-t-elle.
L’agence, pilier de la réforme de la protection sociale
Pour Mme Sentissi, la future entité devrait aussi accélérer les procédures pour l’obtention de documents, comme l’autorisation de mise sur le marché (AMM), et l’enregistrement des produits fabriqués localement, tels que le premier générique et le premier biosimilaire.
Et de suggérer: «Il faudrait aussi que l’agence accélère les AMM pour les médicaments importés qui bénéficient de l’autorisation d’utilisation temporaire (ATU) pour des cas spécifiques, et qui continuent à être vendus sous ce régime pendant des années. Les prix des médicaments en ATU ne sont pas concernés par le benchmark du décret de fixation des prix.»
Lire aussi : L’Agence marocaine des médicaments et l’Agence marocaine du sang opérationnelles avant fin 2023, selon Aït Taleb
D’après le Dr Zalim Abdelhakim, pharmacien et ancien chef de la Division de la pharmacie à la DMP, la création de cette agence est prévue depuis les années 2000. Sa mise en œuvre devenait impérative, dans ce contexte de réforme du système de santé au Maroc. «L’Agence des médicaments est le pilier central du chantier royal de la protection sociale. La gestion des médicaments et des produits de santé est essentielle pour assurer le financement du système sanitaire au Maroc», soutient-il.
Autonomie financière
A l’en croire, la DMP, dont les prérogatives ont été élargies ces dernières années, notamment par la transmission des missions du Secrétariat général du gouvernement, ne dispose pas d’assez de moyens pour réaliser ses missions. «Il fallait donc impérativement mettre en place une nouvelle administration, qui pourra piloter le secteur des médicaments au Maroc qui est devenu l’un des plus performants sur le continent».
Cette agence, poursuit le pharmacien, doit «créer une base de données sur les médicaments commercialisés au Maroc, ce qui permettra aux consommateurs d’avoir une visibilité sur la disponibilité des médicaments», mais aussi disposer «d’une infrastructure nécessaire pour réussir ce projet, des ressources humaines qualifiées, et réformer les procédures de travail, pour être au diapason des évolutions dans le secteur».
Lire aussi : Industrie pharmaceutique: 7,5 milliards de dirhams d’économie en vue
Elle devrait également mettre en place des stratégies qui lui permettront d’avoir une autonomie financière. Ces financements pourraient provenir des prestations aux industriels pharmaceutiques, ou des commissions sur les médicaments vendus. «En France par exemple, l’Agence du médicament reçoit une commission sur chaque boîte de médicament vendu et facture les prestations pour les laboratoires. D’importantes recettes qui lui permettent d’avoir une autonomie financière», souligne Zalim Abdelhakim.
Digitaliser les procédures
Pour Layla Laassel Sentissi, il serait également important de s’assurer de la valeur ajoutée thérapeutique des médicaments importés au Maroc et objet de nouvelles demandes d’AMM. «Une récente étude a révélé qu’au cours de la dernière décennie, plus de 40% des médicaments autorisés en Europe n’avaient pas de valeur ajoutée thérapeutique par rapport à l’existant, alors que ces nouveaux médicaments sont très onéreux et constitueraient un véritable déséquilibre financier pour les caisses gestionnaires surtout dans un contexte de généralisation de la couverture médicale au Maroc», révèle-t-elle.
L’autre grand chantier de la future agence, c’est la digitalisation des procédures. «Nous souhaitons avoir une agence moderne et digitalisée, pour participer au rayonnement de notre industrie pharmaceutique aux niveaux continental et mondial. Elle doit aussi nouer des partenariats avec d’autres structures similaires, et travailler sur l’harmonisation des règlementations avec ces différents pays», conclut Mme Sentissi.