À Rabat, la tour Mohammed VI s’élève déjà comme l’un des monuments les plus emblématiques du Maroc contemporain. Avec ses 250 mètres de hauteur visibles à 50 kilomètres à la ronde, l’édifice, dont l’inauguration est prévue d’ici la fin de l’année après huit années de travaux, s’impose comme un marqueur fort du règne du Souverain, écrit le magazine Jeune Afrique. Plus qu’un gratte-ciel, il devient un symbole de pouvoir et de modernité, inscrivant le royaume dans la compétition régionale des architectures monumentales, lit-on.
Car l’art et l’architecture, en Orient comme en Occident, ont toujours servi à matérialiser le pouvoir et à lui conférer une forme d’immortalité. Cité par Jeune Afrique, l’historien québécois Marc Grignon parle à ce titre d’«architecture comme métaphore du pouvoir». De la même manière que la mosquée Hassan II, construite à l’initiative du père de l’actuel roi à Casablanca entre 1986 et 1993 avec son minaret de plus de 200 mètres, la tour Mohammed VI poursuit cette quête d’élévation vers le ciel.
Cette verticalité n’est pas propre au Maroc. Elle traverse l’ensemble du Maghreb et du monde arabe. Au Caire, l’Iconic Tower culmine à 400 mètres, devenant la plus haute du continent africain. La tour Mohammed VI, en ce sens, vient inscrire Rabat dans ce concert régional de monuments qui allient prouesse technologique et ambition.
Mais l’édifice s’ancre aussi dans une continuité historique marocaine. Rabat abrite déjà une tour emblématique, celle de Hassan, vestige inachevé du projet monumental du calife almohade Yaqoub al-Mansour (XIIème siècle), qui voulait édifier la plus grande mosquée de l’Occident musulman. Avec ses 44 mètres, elle illustrait déjà cette volonté d’affirmer puissance et foi par l’architecture.
Sous les Almohades, la Koutoubia de Marrakech (77 m) et la Giralda de Séville (près de 100 m) participaient de la même logique, explique Jeune Afrique. Plus tôt encore, la Grande Mosquée de Kairouan et son minaret de 30 mètres, ou celle de Tlemcen au XIIème siècle, avaient ouvert la voie. À chaque époque, les souverains rivalisaient de hauteur, transformant le minaret en un instrument politique autant que religieux.
Comme le rappelle l’historien Jonathan Bloom dans Minaret, Symbol of Islam (Oxford University Press, 1989), le minaret n’avait pas, à l’origine, vocation à appeler à la prière. Il servait surtout à manifester la présence et la puissance d’une dynastie. D’où son nom, dérivé de minara, qui signifie «phare». Hier outil de rivalité entre Omeyyades et Fatimides, il devient aujourd’hui un signe de prestige pour les États modernes. À Rabat, ce parallèle est assumé: le 20 août dernier, un test d’éclairage spectaculaire de la tour Mohammed VI a illuminé la capitale, rappelant par ce jeu de lumière le sens premier du minaret comme phare guidant les regards, lit-on encore.
Ainsi, la tour Mohammed VI n’est pas seulement un gratte-ciel. Elle prolonge une tradition séculaire où l’architecture traduit les ambitions des souverains et la place du Royaume dans le concert des nations. De la tour Hassan à la mosquée Hassan II, jusqu’au nouveau géant de verre et d’acier, le Maroc continue de conjuguer héritage spirituel et affirmation politique à travers ses monuments.








