Le360: En tant qu'expert international des questions stratégiques et de sécurité, quelle signification revêt pour vous l'envoi de troupes marocaines combattre le terrorisme aux côtés de l'armée émiratie ?
Pr. Mohammed Benhammou : Cette initiative exprime un engagement marocain aux côtés des pays arabes et surtout des pays du Golfe, avec qui le Royaume a tissé des liens solides et une coopération stratégique et militaire depuis des décennies. C'est une action qui s'inscrit dans une logique de continuité avec un pays frère, à savoir les Emirats Arabes Unis, avec qui le Maroc a des relations exemplaires de soutien et de solidarité mutuels, et qui intervient à un moment où des défis énormes se dressent face à l'ensemble des pays arabes. Le Moyen-Orient et le Golfe vivent une géopolitique bouleversée qui menace la sécurité et la stabilité de toute la région. La différence des agendas et la multitude des acteurs, avec en tête Daach, la Syrie qui se noie dans une guerre multiple, l'Irak qui est au bord de l'implosion, et la présence de combattants radicaux et violents qui ont acquis de grandes compétences dans le maniement des armes sophistiquées -et qui ont peut-être accès à des armes bactériologiques ou chimiques- sont autant de facteurs qui donnent une nouvelle forme à la menace terroriste. Les services de sécurité et de défense marocains ont acquis une large expérience et de grandes compétences en matière de lutte et de guerre préventive contre le terrorisme. Ils ont joué un rôle déterminant dans l'avortement de certaines entreprises terroristes qui allaient toucher des pays amis.
Selon vous, pourquoi le Maroc ne s'est-il pas directement engagé aux côtés de l'alliance internationale contre Daach?
La coalition reste un instrument imprécis et vague. On se trouve même en présence de pays ayant des agendas contradictoires. Le Maroc est connu pour son engagement dans la lutte contre le terrorisme. Il contribue avec son appui humanitaire, logistique et sécuritaire. Il faut signaler néanmoins que le soutien dans lequel il s'engage avec les EAU n'a rien à voir avec la coalition. C'est une coopération bilatérale qui ne s'inscrit dans le cadre d'aucune stratégie internationale, mais qui partage les objectifs de la communauté internationale, visant à stopper le fléau du jihadisme et à faire face au projet d'Abou Bakr Al-Baghdadi.
Le soutien militaire marocain aux EAU ne peut-il pas se retourner contre le Royaume?
La menace existe. Le Maroc a déjà été la cible de menaces terroristes directes. Le modèle politique du royaume, ses choix, ses valeurs semblent déranger la vision et le modèle obscurantiste des jihadistes. Pour le Maroc, ce n'est pas le soutien apporté à un pays ami qui va élever la menace, qui n'est pas non plus imminente ou matérialisée, disons-le. Une menace ne se gère pas aux frontières, elle se gère dans les sources. Et aux EAU, on est assez proche des sources.