Sahara. Conseil de sécurité: les zones d’ombre d’une résolution politiquement très correcte

Le Conseil de sécurité de l'ONU.

Le Conseil de sécurité de l'ONU. . DR

Curieux de constater que la situation humanitaire explosive à l’autre bout de la frontière, n’ait pas été suffisamment expliquée par notre diplomatie pour mériter une mention dans la résolution 2468, adoptée aujourd’hui à la majorité des Quinze membres du Conseil de sécurité. Décryptage.

Le 30/04/2019 à 19h58

Le Maroc peut-il être mis sur un même pied d’égalité avec le Polisario, pour ne pas parler d’Alger, sur le registre précis des «droits de l’homme»? «Il importe d'améliorer la situation des droits de l'homme au Sahara occidental et dans les camps de Tindouf», indique en effet le Conseil de sécurité, dans sa résolution 2468, adoptée ce mardi, à la majorité de ses Quinze membres (13 voix pour), et deux abstentions (Russie et Afrique du sud).

Il est en effet incompréhensible qu’aucune mention ne soit faite, dans cette résolution, à la chape de plomb répressive qui s’abat sur la population de Lahmada Tindouf, pour ne pas parler d’Alger où les manifestations antisystème continuent de faire rage! Encore plus décevant que la seule préoccupation exprimée par l’instance décisive de l’ONU ne concerne que la réduction d’aides internationales, encore qu’une bonne partie de ces aides sont aujourd’hui détournées par les pontes du polisario et les officiers algériens, pour être revendues «au noir» sur les marchés de Nouadhibou, de Bamako, voire à Alger même!

Parlons clair, parlons vrai: la responsabilité de cette «cécité» n’incombe-t-elle pas plutôt à notre diplomatie, qui n’a pas su suffisamment expliquer la situation explosive dans les camps de l’infortune, où même des chars ont été mobilisés, pas plus tard que le samedi 27 avril dernier, pour mater des civils sans défense, et dont le seul «délit» est de sortir, depuis le 1er février, revendiquer la levée du siège renforcé autour du goulag «tindoufien», à travers la limitation des autorisations de sortie des véhicules vers la zone extra-muros du Sahara marocain, délivrées une fois tous les dix jours pour chaque véhicule!

Il est vrai que le rôle des antennes du Conseil national des droits de l’Homme à Laâyoune et Dakhla, a eu droit à une «mention», mais sans plus… Il s’avère que le Conseil de sécurité, au sein duquel l’on se targue de compter nombre d’«amis», soit plutôt tenté de jouer les équilibristes et ménager la partie adverse, qui est excellemment rompue à la manipulation et à la désinformation à chaque fois qu’il s’agit de rameuter contre l’interpellation, ne serait que d’un prévenu de droit commun dans le sud marocain! Chaque soubresaut aperçu dans les provinces sahariennes donne lieu à une logorrhée de «lettres indignées» adressées au secrétaire général de l’ONU, ainsi qu’aux membres du Conseil de sécurité.

Dire que la nécessité se fait ainsi jour de revoir de fond en comble notre stratégie d’attaque sur un registre aussi important que les droits de l’Homme, lequel occupe une grande place dans la phraséologie de l’ONU, et du conseil de sécurité en particulier, n’est pas un vain mot. D’autant que sur ce registre, il n’existe aucune commune mesure entre ce qui se passe à l’est et à l’ouest du dispositif de défense marocain.

Mais passons, car, côté politique, la résolution 2468, vue d’ici, recèlerait une «évolution qualitative». La notion d’«autodétermination», chère au tandem Alger-Polisario, n’a été mentionnée que deux fois dans le présent texte de la résolution, ce qui revient à doucher l’illusion «indépendantiste» prônée par la partie adverse. Le360 s’est fait l’écho, tôt ce matin, du grincement de dents algéro-séparatiste dont l’agence de presse officielle algérienne s’est faite l’écho avant le passage au vote de la résolution, en spéculant même sur une supposée abstention de vote de la part de l’Allemagne, qui préside actuellement le Conseil de sécurité.

Par ricochet, le Conseil de sécurité affirme une nouvelle fois «prendre note» de l’offre marocaine d’autonomie, tout en saluant «les efforts crédibles et sérieux» déployés par le Maroc pour trouver «une solution politique, réaliste, pratique et durable» et «basée sur le compromis» au conflit du Sahara.

Cette confirmation renvoie aux calendes grecques l’option fossilisée, irréaliste et irréalisable de «l’indépendance», que continue de prêcher la partie ennemie, à rebours de la nouvelle dynamique que le secrétaire général de l’ONU, et son Envoyé personnel pour le Sahara, souhaitent insuffler au processus politique lancé le 11 avril à Manhasset, mis à l’arrêt en mars 2012, en raison des manœuvres adverses pour faire écran au plan d’autonomie, à la base même de ce processus destiné à solder un conflit plus que quarantenaire autour du Sahara.

Ces manœuvres sont ourdies par l’Algérie, qui, pour la première fois depuis 1975, peut lire son nom cinq fois cité dans la présente résolution, alors même qu’Alger continue de proclamer que c’est là un dossier qui ne la concerne pas. Une fuite en avant qui ne fait rire personne. Nommer cinq fois l’Algérie dans une résolution du Conseil de sécurité sur le conflit du Sahara, c’est lui reconnaître son rôle éminent de protagoniste face au concert des Nations. 

Le Conseil de sécurité reconnaît, de ce fait, qu’une implication forte, continue et constructive de l’Algérie est nécessaire pour mettre un terme à ce différend régional qui n’aura que trop duré. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le Conseil de sécurité parle cette fois du «rôle constructif» qu’Alger est désormais censée jouer, en vue d’amener le polisario à prendre fait et cause pour cette «paix des braves» que la communauté internationale appelle de tous ses vœux.

Mais pas sûr qu’Alger l’entende ainsi. Rebelote dans six mois pour un autre rapport du secrétaire général de l’ONU et une autre résolution du Conseil de l’ONU dont il est attendu de la diplomatie marocaine, dirigée par Nasser Bourita, qu’elle joue moins la partition de l’autosatisfaction à l’adresse de l’opinion publique marocaine qu’un déroulé de l’argumentaire sur les très graves violations des droits humains commises à l’Est du dispositif de défense, ainsi qu’un exposé des faits sur la situation intenable de ces hommes, femmes et enfants qui vivent dans les camps de Tindouf.

Par M'Hamed Hamrouch
Le 30/04/2019 à 19h58