Que s’est-il passé pour que la Chine change de cap et vote cette fois-ci pour la nouvelle résolution sur le Sahara (2440), au même titre que les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne ? Un changement de cap et pas des moindres, d’autant plus que l’Empire du milieu avait adopté fin avril dernier la même position que celle de la Russie pour s’abstenir lors du vote de la précédente résolution 2414.
Il faut noter que, lors de l’opération de vote du mercredi 31 octobre, seule la Russie, membre permanent du Conseil de sécurité, a opté pour l’abstention, aux côtés de deux autres membres non-permanents, en l’occurence l’Ethiopie et la Bolivie! Tout compte fait, trois abstentions, zéro contre, et 12 voix en faveur de la nouvelle résolution qui se démarque par sa tonalité autrement ferme et grave envers le Polisario tout en plaçant le curseur sur Alger, appelée nommément à s’impliquer pleinement dans le processus politique initié par Horst Köhler, au même titre que le Maroc, le FP, ou encore la Mauritanie, pour trouver une solution politique au conflit sur la base du compromis et du réalisme.
Le revirement chinois est d’autant plus important qu’Alger, parrain du front séparatiste du Polisario, ne compte désormais plus que sur l'unique et seul soutien de la fédération de Russie, plus gros fournisseur de l'Algérie en armement. La position chinoise vient ainsi faire pencher la balance du côté du Maroc, et renforcer par ricochet l’isolement d’Alger sur la scène internationale.
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Il faut remarquer que le vote chinois est tombé à point nommé: il coïncide avec le 60è anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques sino-marocaines. Le roi Mohammed VI a d’ailleurs saisi cette occasion pour adresser un message de félicitations au président de la république populaire de Chine, Xi Jinping. Dans ce message, rendu public par la Map ce jeudi 1er novembre (c'est-à-dire après le vote de la résolution du CS), le souverain a fait part de «sa ferme détermination à oeuvrer, de concert avec le président de la république populaire de Chine, pour le renforcement du partenariat stratégique Maroc-Chine et son extension vers de nouveaux secteurs prometteurs.»
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Sur le registre précis de la politique, le souverain a souligné que «les relations entre le Maroc et la Chine ont connu un essor particulièrement important, marqué du sceau de l’estime, de la confiance, de la solidarité et du soutien mutuel concernant les questions de priorité nationale et d’intérêt commun, notamment celles se rapportant à la souveraineté nationale et à l’intégrité territoriale».
Vous avez bien lu: «soutien mutuel concernant les questions de priorité nationale et d’intérêt commun, notamment celles se rapportant à la souveraineté nationale et à l’intégrité territoriale». Le vote chinois traduit parfaitement cet engagement commun sur le volet précis du respect de la souveraineté nationale et de l’intégrité territoriale.
Alger isolée plus que jamaisSur les cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité, seule la fédération de Russie s’est donc abstenue de voter, de la même façon qu’elle l’a fait en avril dernier. Moscou semble voir d’un oeil inquiet le changement de paramètres dans l’approche du conflit par le Conseil de sécurité, dont la patience est d'ailleurs mise à rude épreuve à cause du rôle contreproductif d’Alger, parrain du front séparatiste du Polisario. Le changement de ton de l’instance suprême de l’ONU à l’égard d’Alger paraît inquiéter Moscou. Une inquiétude facilement perceptible à travers la sortie de l’ambassadeur de la Russie, Vassily Nebenzia, à l'issue du vote hier mercredi. Interrogé sur l’abstention russe, il a soutenu que «le règlement du conflit au Sahara Occidental doit se fonder sur les paramètres convenus au sein du Conseil de sécurité pour encadrer les parties au conflit ainsi que sur la recherche d’une solution politique». Décriant «une tentative de déroger à ces principes», le diplomate russe a expliqué que si la Russie n’a pas «bloqué la résolution c’est parce qu’elle reconduit un mandat important pour la stabilité régionale».
Tout le monde sait que la Russie est l'un des Etats les plus attachés à l'intégrité territoriale des pays et l'un des Etats les plus féroces contre le séparatisme. Pays qui dispose du plus vaste territoire dans le monde, la Russie est confrontée à des revendications séparatistes. Quelles considérations président alors au changement de Moscou sur un principe fondateur de sa politique étrangère ? L'Algérie est aujourd’hui le plus grand importateur d’armes de la Russie en Afrique, absorbant 46% des exportations russes vers le continent. Depuis la signature du partenariat stratégique entre la Russie et l’Algérie en 2001, les relations entre les deux pays se sont considérablement développées, tout en restant astreints aux domaines militaire et sécuritaire. En 2006, les deux pays ont signé un accord de 7,5 milliards de dollars en vertu duquel l’Algérie a acquis des armes russes. L’opération a été considérée comme la plus importante depuis l’effondrement de l’URSS. En outre, en 2016, la Russie a fourni à l’Algérie des armes d’une valeur de 1,5 milliard de dollars.
Est-ce un hasard si la Russie continue de soutenir Alger dans les foras internationaux, l’ONU à leur tête? Seulement, ce soutien est désormais mis à mal par un changement majeur: la Chine a voté en faveur d’une résolution à charge contre le front séparatiste du Polisario et son mentor algérien, qui n'a jamais été autant pointé (cité trois fois dans la résolution 2440).
Une fois n’est pas coutume, le Polisario, souvent prompt à «se féliciter» des résolutions du Conseil de sécurité, observe aujourd'hui un silence d’enterrement. Un silence qui en dit long sur la grosse déception du front séparatiste, soutenu par Alger. Seule voix à avoir tranché avec ce silence de tombe, celle des supports médiatiques séparatistes, qui ont considéré la résolution 2440 comme étant «la pire» qui ait jamais été adoptée depuis l'éclatement du conflit.