Nous sommes en 1979. Pour apaiser les tensions avec son voisin du Sud et éviter une nouvelle Marche verte, le roi d’Espagne était prêt à un «sacrifice» de taille: la rétrocession de Mélilia au Maroc et la mise de Sebta sous statut international.
Les deux options ont été évoquées par le monarque espagnol au cours d’un entretien de plus d’une heure et demie avec le sénateur américain Ed Muskie et l’ambassadeur US Terence Todman au Palais de la Zarzuela à Madrid. Le compte rendu de cette rencontre a fait l’objet d’un télégramme envoyé par l’ambassade américaine, déclassé en 2014 mais passé inaperçu. Ceci, jusqu’à la publication récente d’un ouvrage sur Juan Carlos, Le roi de la démocratie, signé Charles Powell, directeur du prestigieux Institut royal Elcano.
Au cours de cet entretien, le roi Juan Carlos confiait que le «grand sujet à polémique entre le Maroc et l’Espagne sont les deux enclaves». « Il considérait que pour en sortir, Mélilia pouvait être cédée au Maroc dans un délai relativement court du moment que seuls 10.000 Espagnols y vivaient», lit-on dans le télégramme. Le monarque espagnol était bien conscient que la décision allait fâcher son gouvernement, mais affirmait que cette «colère» n'excèderait pas deux mois et qu’il pouvait «contrôler la situation».
En revanche, il considérait que la rétrocession de Sebta, où habitaient 60.000 citoyens espagnols à l’époque, serait plus compliquée. Il suggérait donc une mise sous statut international, comme pour Tanger avant l’indépendance du Maroc. Pourquoi de telles concessions? La peur éprouvée par le roi d’Espagne quant à une seconde Marche verte, trois ans après le succès de la première au Sahara.