Mohamed Bouarourou réalise enfin un grand rêve: on l’appelle désormais «Sayid Ra’iss» (Monsieur le Président), lui qui a bâti sa carrière politique en étant «le bras droit» de quelqu’un, évoluant constamment dans l’ombre d’une personnalité de premier plan.
Sa loyauté et sa patience ont fini par payer: la direction du Parti authenticité et modernité (PAM) lui a donné sa bénédiction pour remplacer Abdenbi Bioui, sans que les deux autres composantes de la majorité, le Rassemblement national des indépendants (RNI) et le Parti de l’Istiqlal (PI), n’aient de réserve à émettre. Mieux: ils ont transmis leurs directives aux responsables locaux pour faire bloc derrière lui et rester fidèles à la Charte tripartite RNI-PAM-PI.
Par la même occasion, Mohamed Bouarourou signe une autre prouesse: à 43 ans, il devient le plus jeune président de région, détrônant Mbarka Bouaida (49 ans), la présidente du Conseil régional de Guelmim-Oued Noun élue sous les couleurs du RNI.
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Le 9 juillet, jour du vote pour les postes de président et de ses sept adjoints, sa liste (unique) passe comme une lettre à la poste, plébiscitée par les voix de 41 des 44 membres ayant pris part au suffrage. Dans un bref discours, le nouveau président a remercié les élus pour leur confiance et affirmé sa disposition à travailler avec tous pour le bien de la région et de sa population. Mais qui est donc le nouveau «Ra’iss», et comment s’est dessiné son parcours? Voici quelques éléments de réponse.
L’enfant de Lazaret
La famille Bouarourou est originaire de Berkane et serait issue de la célèbre tribu des Bni Iznassen. Mais c’est à Oujda que Mohamed voit le jour, précisément dans le fameux quartier Lazaret. Inutile de chercher le CV détaillé du personnage. D’abord parce qu’il n’y en a pas qui soit public, et surtout «parce qu’il n’a rien à y mettre, comme celui de son mentor Abdenbi Bioui», ironise un ancien responsable partisan local. «Je vous défie même de retrouver une de ses interventions lors des sessions des conseils communal ou régional. Les procès-verbaux des travaux de ces sessions doivent être conservés», poursuit notre interlocuteur.
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Ainsi, le parcours scolaire de l’homme n’aurait pas été plus loin que le Lycée Oued Eddahab, qu’il quitte sans même avoir décroché son bac, assurent nos sources. D’où viendrait alors ce doctorat dont il se serait maintes fois enorgueilli, et que citent à répétition plusieurs médias locaux? Là encore, mystère et boule de gomme.
D’autres sources le présentent comme un homme d’affaires, mais rien n’est plus faux. Ceux qui l’ont connu depuis longtemps affirment que le jeune homme n’avait comme gagne-pain qu’une ambulance privée.
À l’ombre de Bioui
En 2009, Abdenbi Bioui était déjà un poids lourd régional d’un PAM qui venait de naître. Pour préparer leurs campagnes électorales, le parti comme le notable avaient besoin de réseaux bien implantés dans les quartiers populaires d’Oujda, ainsi que d’un «service d’ordre» dissuasif. Et pour ces deux missions, Mohamed Bouarourou faisait parfaitement l’affaire. «La vérité est qu’il était et est toujours apprécié par la population, surtout dans les quartiers populaires. Sa disponibilité, sa spontanéité et son allure jeune ont fait le reste», affirme une de nos sources dans la capitale de l’Oriental.
Et quand Abdenbi Bioui parvient à tisser sa toile au niveau régional, il n’oublie pas son protégé. «À un certain moment, il était devenu littéralement un salarié de Bioui, une sorte d’assistant personnel, un homme à tout faire», explique-t-on. Quitte à tremper dans les affaires illégales de son parrain, aujourd’hui dévoilées au grand jour? «J’en doute fort. Et jusqu’à preuve du contraire, aucun méfait de quelque nature n’a été retenu contre lui», répond l’intégralité des personnes interrogées à ce sujet.
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Toujours est-il que c’est bien à l’ex-président de la région de l’Oriental que Mohamed Bouarourou doit son ascension politique. Avec un premier, et grand pas franchi en 2015. Fort de son poids partisan, Abdenbi Bioui l’impose sur la liste de Hicham Sghir pour le scrutin communal du 4 septembre. Bien que placé à la 11ème position, il est élu haut la main, puisque cette liste a raflé plus de 23.000 voix et 30 sièges.
Rebelote le 8 septembre 2021, à l’occasion des élections régionales. Cette fois-ci, il est promu à la troisième position de la liste du PAM, toujours conduite par son mentor. Et c’est le jackpot: non seulement il fait son entrée au Conseil régional, mais il en devient l’un des vice-présidents.
Un président et des «régents»
Au sein du Conseil régional de l’Oriental, Mohamed Bouarourou, allergique à toute médiatisation, préfère travailler en toute discrétion, mais avec une efficacité certaine. À titre d’exemple, c’est à lui qu’on doit l’organisation de la foire de l’économie solidaire à Oujda, manifestation qui essaime les coopératives féminines de la région de l’Oriental, et dont Abdenbi Bioui avait fait un redoutable vecteur de communication.
Mais si ce dernier a été son mentor en politique, Bouarourou se garde bien de l’imiter. Au fil des ans, il a su forger son propre style, bien plus consensuel. Ainsi, lors de la constitution de son bureau à la tête de la région, il a réservé une bonne place aux élues, en leur accordant 4 postes de vice-présidents sur 7. Il a aussi eu le bon goût d’associer les représentants de toutes les provinces de la région, en l’occurrence ceux de Berkane, de Nador ou encore d’Ahfir.
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Cette capacité à rassembler et ses talents de fédérateur lui seront bien utiles pour ce qui l’attend dans ses nouvelles fonctions. Il aura d’abord à rattraper le grand retard accumulé après plusieurs mois de gel des activités du conseil qu’il préside. Surtout, il n’aura pas droit à l’erreur: marqué, qu’il le veuille ou non, comme l’ancien homme de Bioui, il sait que ses rivaux ne lui feront aucun cadeau, pas plus que ses partenaires des deux autres formations de la majorité.
Il part toutefois avec l’avantage d’avoir à ses côtés de vieux routiers de la politique locale et régionale, à leur tête l’Istiqlalien Omar Hejira, également président du groupe parlementaire du PI à la Chambre des représentants.
Quant aux populations de l’Oriental, leurs attentes sont immenses. Comme dans d’autres régions du Royaume, elles revendiquent un meilleur accès aux services publics, des investissements, de l’emploi… Mohamed Bouarourou a un peu plus de deux ans pour faire ses preuves et, éventuellement, parvenir à tourner définitivement la page Bioui.
(Crédit vidéo: Le360)