Le 19 octobre 2023, onze jours après avoir soufflé sa 69ème bougie, Mohamed Mhidia est nommé par le Souverain wali de la région de Casablanca-Settat. Une nouvelle nomination qui a des allures de record absolu pour un haut commis de l’État, puisque l’homme a déjà eu à diriger, depuis 2007, les wilayas de cinq des douze régions que compte le Royaume: Taza-Al Hoceima-Taounate d’abord, puis Marrakech-Tensift-Al Haouz, l’Oriental, Rabat-Salé-Kénitra et Tanger-Tétouan-Al Hoceima.
«Mais pourquoi lui, qu’a-t-il de si spécial pour avoir une telle continuité, et surtout une telle longévité en tant que wali?», pourrait-on légitimement s’interroger. «C’est son travail et l’abnégation qu’il y met qui le lui permettent», répond simplement un cadre du ministère de l’Intérieur, en poste à Casablanca, qui a déjà oeuvré à ses côtés dans d’autres régions. Des qualités qui lui ont valu la confiance royale depuis pratiquement le début de sa carrière au ministère de l’Intérieur, en 2002, en tant que gouverneur de Skhirat-Témara.
Un wali «workaholic»
À la confiance royale s’ajoute une réelle estime des populations des régions où il avait officié. Ainsi, quand il avait quitté la ville Oujda pour prendre ses nouvelles fonctions à Tanger, des citoyens de toute la région de l’Oriental ont tenu à lui rendre hommage, et de belle manière. Le même scénario s’est répété quand Mohamed Mhidia a été appelé à ses nouvelles missions à Casablanca, lui faisant plier bagage et dire au revoir à la douceur de la ville du Détroit.
À Tanger, Mohamed Mhidia commençait ses journées à 06H30, nous confie un cadre qui a fait partie de ses équipes. Suit le rituel immuable de la séance de sport dans la forêt de Rmilat, à 7H30, y compris les samedis et dimanches, qu’il pleuve ou qu’il vente. À Casablanca, on ne sait pas encore sur quel nouveau parcours de marche le wali a jeté son dévolu, mais on ne tardera pas à le découvrir.
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Quelques jours après avoir pris ses quartiers dans la métropole, Mohamed Mhidia a d’abord voulu reconnaître le terrain et établir les premiers contacts avec les acteurs avec qui il sera appelé à travailler au sein de la région. Avec le rythme qu’on lui connaît. «Pendant des jours entiers, il a enchaîné les réunions marathoniennes avec les agents d’autorité, les hauts fonctionnaires de la wilaya et les élus locaux. Et entre nous, ce n’était pas pour plaire à tout le monde», indique un élu communal de la Métropole, faisant allusion à quelques responsables, dont les habitudes ont été bousculées par «l’hyperactivité» du nouveau wali. Ce dernier ne tarda pas à prendre ses repères et, surtout, à imposer son style. Très vite, les premières décisions tombent. Les premières sanctions aussi.
Mohamed Mhidia pique sa première colère quand il apprend que la seconde phase du programme Awrach, destiné à soutenir l’emploi, accuse certains retards. Ordre est alors intimé à tous les intervenants d’accélérer la cadence. Le message est passé: en quelques jours, des centaines de conventions sont signées avec les ONGs impliquées, et les chantiers démarrent dès ce mercredi 6 décembre. Au passage, des responsables locaux du volet développement humain sont remerciés. Conformément à sa réputation, le nouveau wali ne fait pas dans la dentelle quand il constate que ses collaborateurs échouent un tant soit peu dans leurs missions. Le ton est donné.
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Dans les jours qui suivent, une armée d’agents d’autorité, accompagnée de la force publique, sillonne les quartiers casablancais. Objet: une campagne tous azimuts de «libération de l’espace public», au cours de laquelle terrasses de café envahissantes et autres snacks à l’installation anarchique sont démolis. Dans le même esprit, une opération d’éradication des charrettes tractées par des animaux est lancée, en application (enfin) d’une décision actée par le Conseil de la ville il y a quelques mois. Car si Mohamed Mhidia a quelque chose en horreur, ce sont bien tous ces aspects qui enlaidissent les cités, a fortiori lorsqu’ils contreviennent à la loi.
Réactiver les «projets dormants»
Quand il n’est pas en train de sillonner les artères casablancaises, histoire de se familiariser avec son nouveau territoire d’exercice, le wali est dans son bureau, affairé à éplucher les dossiers et à demander des explications et des clarifications sur le moindre détail. Et gare aux responsables qui livreraient des réponses évasives ou des informations incomplètes.
C’est ainsi que, selon nos sources, Mohamed Mhidia est entré dans une colère noire en constatant que plusieurs projets annoncés étaient toujours à l’arrêt, sans justifications valables. C’est le cas d’une liaison en chantier entre le port de Casablanca et Zenata, destinée à décongestionner la route côtière. Ordre a alors été donné de reprendre immédiatement les travaux. Casablanca manque d’eau pour irriguer ses espaces verts? Le wali met littéralement la pression à ses collaborateurs pour trouver une solution… qui respecte toutefois les contraintes imposées par le stress hydrique. Résultat: un projet de trois stations d’épuration des eaux usées, pour un financement de 1,5 milliard de dirhams.
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Il a beau être un adepte de la rigueur et un grand défenseur du respect de l’autorité de l’État, Mohamed Mhidia n’est pas pour autant un wali «à l’ancienne». Ce grand amateur d’arts plastiques (il est collectionneur) garde constamment un oeil sur ce qui se passe sur les réseaux sociaux, qu’il voit comme une fenêtre donnant sur la Vox populi et les réalités de la ville vécues par ses habitants. «Le pire des posts qu’on pourrait lui rapporter est, par exemple, celui d’un rond-point assailli par des ordures ménagères», affirme une de ses connaissances à Tanger. D’ailleurs, dans la ville du Détroit, l’homme vouait un véritable culte à la médina et s’était fixé comme dessein de tout faire pour lui rendre son lustre d’antan. Un pari réussi, comme peuvent le constater ses visiteurs.
Mais au-delà de la réhabilitation de la médina, le wali a contribué pendant trois ans et demi au développement de la ville et de toute la région. À titre d’exemple, son intervention a été déterminante quand il a été question de trouver une alternative à Fnideq pour les femmes qui vivaient de la contrebande. Idem pour lutter contre la prolifération des usines de textile clandestines et autres fabriques informelles ne respectant ni les règles de sécurité ni le droit du travail.
«Il est particulièrement sensible aux questions liées à l’eau, au chômage des jeunes, aux déplacements urbains et à l’habitat insalubre», commente un de ses anciens collaborateurs à Tanger, résumant involontairement les principaux dossiers qui attendent le haut responsable au niveau de la région de Casablanca-Settat. Et on attend de lui une réitération, qui plus est à une échelle supérieure, de ses exploits dans les localités du Nord.
Objectif 2030?
Lier, comme beaucoup ont tendance à le faire, la nomination de Mohamed Mhidia à l’organisation par le Maroc de la Coupe du monde 2030 (avec l’Espagne et le Portugal) serait assez réducteur. Mondial ou pas, il était temps pour Casablanca (et sa région) de tourner la page de longues années de laisser-aller à inscrire autant au passif des élus locaux qu’à celui des responsables territoriaux. Entre les chantiers inachevés ou mal gérés, les multiples plans de développement cahoteux, les problèmes de circulation devenus endémiques et une urbanisation mal maîtrisée, doublée d’une «ruralisation» galopante, la capitale économique n’est plus que l’ombre d’elle-même, bien éloignée de la grande métropole qu’elle aspire à être.
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Et les besoins ne se limitent pas à la seule ville blanche. Les attentes sont tout aussi grandes à El Jadida, Berrechid, Settat, Benslimane ou encore à Azemmour et Mohammédia. «L’assise est là, avec plusieurs plans de développement dont le financement a été bouclé. Il faut maintenant passer à l’acte selon les priorités. Et pour conduire tous ces chantiers, le nouveau wali est l’homme de la situation», explique un cadre du ministère de l’Intérieur en poste à Casablanca.
Aujourd’hui, Casablanca et sa région tiennent un wali, vrai meneur d’hommes ayant toutes les qualités pour redresser la barre. Homme d’action, mais aussi d’écoute, Mohamed Mhidia est un personnage surprenant à plus d’un titre. «À Tanger, il lui arrivait de promettre d’assister à un événement organisé par une petite ONG. On prenait ses promesses pour de la fausse gentillesse, mais le jour «J», il répondait présent», affirme un ancien élu tangérois.
Sa recette: se référer à loi
Il arrive aussi que Mohamed Mhidia prenne sur son temps, dans la rue, pour écouter les citoyens et leurs remarques. «Mais il n’a pas d’amis, il n’aime pas le mélange des genres», avertit un autre ancien élu tangérois, précisant que, contrairement à certains hauts cadres qui nouent des amitiés avec des notabilités locales, l’homme préfère garder une certaine distance, quitte à poser explicitement les limites quand il le faut.
Et pour cela, cet ingénieur des mines de formation a une recette infaillible: se référer constamment à la loi, et seulement la loi, quand il traite avec les différents intervenants dans la gestion des affaires locales ou régionales. Il n’hésite d’ailleurs pas à taper sur les doigts de ceux qui prennent des libertés avec les textes. Désormais, tous ses nouveaux partenaires, des élus de la région aux SDL, en passant par les responsables des services extérieurs des différents départements ministériels, savent à quoi s’en tenir.