Le Parlement, avec ses deux chambres, a dû rompre une longue pause forcée pour adopter l’Acte constitutif de l’Union africaine, chose faite avec un grand sens de la responsabilité depuis jeudi 19 janvier dans la soirée.
Mais, maintenant que les instruments d’adhésion à l’Union africaine ont été adoptés, les 515 élus de la nation (395 députés et 120 conseillers) se voient offrir de nouvelles vacances forcées. Faute de «matière première» (des lois à adopter) et surtout d’un gouvernement à contrôler et à interroger, l’usine législative est à nouveau à l’arrêt.
Un blocage en cache un autre
L’absence d’un gouvernement entrave l’action législative et de contrôle. Concrètement: même s'il a achevé la structuration de ses organes (bureau, commissions, groupes…), le Parlement ne pourra examiner aucun projet de loi et encore moins prendre l’initiative d’en proposer.
«Rien dans la Constitution n’oblige le gouvernement de gestion des affaires courantes à se présenter devant le Parlement pour la simple raison que cet Exécutif sortant n’a pas le droit de légiférer», commente Hassan Tarik, professeur de sciences politiques et ancien député socialiste.
De même, il ne faut pas rêver de voir un élu PJDiste interpeller Mohamed Hassad sur l’interdiction de vendre et de commercialiser la burqa, un autre élu PAMiste saisir le ministre de l’Education nationale concernant la polémique sur les manuels d’éducation islamique et la philosophie ou autre MP demander ce que prévoit exactement le plan anti-grand froid!
Nous serons aussi privés des deux spectacles hebdomadaires appelés "séances des questions orales" dans les deux chambres. Et du spectacle qu'assurait Abdelilah Benkirane mensuellement lors des séances dédiées aux politiques générales.
La raison est bien simple: en vertu des lois, un gouvernement qui gère les affaires courantes n’est pas responsable devant le Parlement.
Cela se passe au moment où le pays n’est pas doté d’une loi des Finances. Interrogés sur le devenir du PLF2017, nos interlocuteurs, élus comme ministres sortants, ont été dans l’incapacité de donner un début de réponse.
En attendant Benkirane et Akhannouch
La solution pour dépasser ce blocage? Il n’y en a pas 30.000! Le chef du gouvernement désigné et le président du RNI, Aziz Akhannouch, doivent trouver un terrain d’entente et accélérer la formation du gouvernement.
Or, les deux hommes ne semblent pas pressés. Plusieurs sources, de part et d’autre, ont confirmé à le360 qu’aucun contact n’est en cours entre les deux hommes et la situation ne risque pas de se débloquer dans les prochains jours.
En attendant, ce qui s’est passé au cours de cette semaine au Parlement a davantage brouillé les pistes et rajouté à un flou qui n’a rien d’artistique, mais qui tient plutôt du surréalisme politique.
Qui s’opposera à qui?
Habib El Malki, membre dirigeant d’un parti dont Benkirane ne veut pas ou plus (USFP), est arrivé à se hisser au perchoir grâce aux voix du quatuor RNI-PAM-USFP-UC.
Logiquement, cette configuration doit être identique à la coalition qui formera le futur gouvernement.
D’un autre côté, le PJD a voté blanc avec le PPS. L’Istiqlal, dont Hamid Chabat a grillé toutes les chances de faire parti du prochain Exécutif, a retiré ses troupes (47 élus) de la séance plénière qui a porté El Malki au perchoir. Mais le parti de Allal El Fassi a renouvelé son soutien à Abdelilah Benkirane, quelle que soit l’issue des tractations pour la formation du gouvernement.
Quelle majorité prendre alors en compte? Celle de Habib El Malki ou celle de Benkirane? Nul ne saura dénouer cette équation à plusieurs inconnues.
«Ce qui se passe actuellement nécessite des analystes qui lisent dans des boules de cristal et non des politologues», ironise Hassan Tarik.
En un mot comme en mille, nos 515 élus parlementaires risquent une session d’automne «blanche» où ils auront travaillé pendant 24 heures par chambre!