Instaurées par le règlement intérieur de la Chambre des représentants, les missions exploratoires sont l’un des moyens permettant au Parlement de contrôler l’action de l’exécutif. Leur mission, grosso modo, est de vérifier «les conditions d’application d’un texte de loi donné, ou d’un sujet d’intérêt général, ou relatif à une activité gouvernementale ou administrative ou d’entreprise publique».
Ces missions sont décidées au sein des commissions permanentes avec l’aval du bureau de la Chambre, qui doit recevoir un document qui «identifie le besoin de cette mission et le délimite, les problématiques qu’il entend résoudre, le lieu et la date avec un descriptif des moyens humains et matériels nécessaires à cette mission», stipule le règlement intérieur.
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Le nombre des membres de chaque mission peut aller de 2 à 13 et le président et le rapporteur doivent obligatoirement être de différents bords (majorité et opposition). Une fois son travail terminé, chaque mission élabore son rapport, qui est discuté et adopté avant d’être transmis à la présidence de la Chambre et éventuellement débattu en plénière en présence du gouvernement.
Mais tout cela reste du domaine de la théorie, car la pratique a démontré que les parlementaires abusent du recours aux missions exploratoires sans résultats concluants.
Des missions non abouties
Jugeons-en par les chiffres officiels établis par les rapports du département chargé des Relations avec le Parlement. Lors de la précédente législature (2016-2021), les commissions permanentes, au nombre de neuf, ont présenté 29 demandes. En cours de route, 18 missions ont été suspendues et, à chaque fois, pour divers motifs, dont des différends entre les membres ou des règlements de comptes entre rivaux politiques.
Parmi les missions qui ont été suspendues, on notera celle qui devait s’intéresser aux marchés publics conclus lors de la pandémie du Covid-19.
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Pendant les cinq ans qu’a duré la précédente législature, seulement 4 missions exploratoires ont présenté des rapports qui ont été débattus en séance plénière. Le reste est passé à la trappe et ce que cela a coûté dans la rubrique «pertes et pertes».
De Bni N’sar à El Guergarat
Depuis le début de l’actuelle législature (2021-2026), les commissions permanentes de la Chambre des représentants ont mis en place 5 missions exploratoires. L’une des toutes dernières a porté sur les postes-frontières du Nord en préparation de l’opération Marhaba 2022.
Cette mission, présidée par le député du Rassemblement national des indépendants (RNI) Hassan Berkani et composée de 9 membres au total, a débuté ses travaux le 13 juin 2022 et s’était rendue dans les principaux postes-frontières du Maroc. Pour conclure à quoi exactement?
«Des lieux communs», répond une source au Parlement. Aurait-il fallu qu’une dizaine de parlementaires sillonnent le pays pendant plusieurs semaines pour informer les autorités publiques que les citoyens transitant par le poste-frontière de Bni N’sar souffraient sous le soleil pendant de longues heures de file? Ou pour recommander la construction de plus de toilettes à Bab Sebta, ou encore élargir les voies d’accès au poste-frontière d’El Guergarat pour mieux fluidifier la circulation?
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Quand nous avons cherché à prendre connaissance du rapport établi par cette mission, on nous a répondu qu’il était en train d’être finalisé. «C’est un rapport qui a été distribué à très petite échelle et on n’y trouve rien à se mettre sous la dent. Plus de 70% de son contenu est réservé aux feuilles de présence des députés lors des étapes de la mission et de ses réunions de travail», indiquent nos sources.
Une nécessaire rationalisation
Des voix au Parlement s’élèvent pour demander une rationalisation des missions exploratoires. Les articles du règlement intérieur qui les encadrent restent très vagues et doivent être révisés. «Ce règlement stipule que les missions exploratoires sont composées de 2 à 13 membres, mais dans la majorité des cas, tous veulent en être et, généralement, cela fait trop de monde à transporter et à loger quand on compte aussi les assistants et autres accompagnateurs», explique une source au Parlement.
Nous ne disposons pas d’information précise sur le budget qui doit être mobilisé pour une mission exploratoire, mais il reste assez conséquent, d’après nos sources. D’où aussi la nécessité d’une rationalisation de ce mécanisme de contrôle de l’action de l’exécutif.