Le journal suisse Le Temps a publié hier, lundi 11 février, un article portant sur l’extrémiste suisse naturalisé espagnol, Kevin Zoller Cuervos, actuellement en détention au Maroc. Ce dernier y est présenté, selon les déclarations de son épouse marocaine Fatima Baba, comme la victime d’une «erreur judiciaire ou d’une machination». Les arguments? Ses contacts avec Abdessamad Ejjoud, principal animateur de la cellule terroriste responsable de l’assassinat des deux touristes scandinaves dans la localité d’Imlil et certaines de ses connaissances remontent à l’été 2017, Kevin Zoller s’étant rendu compte par la suite qu’il s’agissant de «mauvaises fréquentations».
Rien n’est cependant moins sûr. Le profil extrémiste de Kevin Zoller Cuervos est conformé par les griefs irréfutables retenus à son encontre et ses liens avec les principaux auteurs de cet acte ignoble.
Converti à l’islam en 2011, alors qu’il fréquentait la Grande mosquée de Genève, dite «Petit Casonnex», ce Suisse, qui est parvenu à convertir plusieurs membres de sa famille, fréquentait vers la fin de l’année 2014, dans ce même lieu de culte, les membres d’un réseau terroriste acquis à Daech, composé d’une dizaine d’islamistes originaires des Balkans (Albanie et Kosovo), avec lesquels il a tenu des réunions de coordination dédiées à l’examen d’un projet malveillant ciblant des pays des Balkans et ce, à travers le convoyage de fonds vers leurs complices pour l’acquisition de la logistique nécessaire (armes à feu, munitions, gilets pare-balles, grenades et explosifs) préalablement à leur déplacement à ce pays pour y sévir.
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Au cours de l’année 2015, cet extrémiste a décidé de quitter la Suisse, suivant le principe d’Al Hijra, pour s’installer à Marrakech où il a fait la connaissance de l’un des hommes de main d’Abdessamad Ejjoud.
Il a par la suite repris contact avec l’un de ses compatriotes établi à Genève ayant rallié les rangs de Daech dans la zone syro-irakienne, tout en consultant avec assiduité les médias et les outils de propagande de la nébuleuse terroriste, diffusés notamment à travers le réseau social Telegram. De là est né son voeu de se joindre à Daech au Levant. Pour financer son voyage, il avait projeté de s’attaquer à une banque ou une bijouterie à Genève. Le reste du butin, Zoller Cuervos avait l’intention de le remettre à la chefferie de Daech, suivant le principe de l’Istihlal.
En 2016, et leur ressemblance aidant, Kevin Zoller Cuervos a également été prié par son compatriote suisse de lui envoyer son passeport au Levant afin de pouvoir regagner la Suisse. L’objectif n’était autre que mener une action terroriste dans ce pays.
La même année, Zoller Cuervos renforce ses liens avec Abdessamad Ejjoud et certains de ses acolytes. Ensemble, ils partageaient et regardaient les organes médiatiques de l’EI. Des séances ponctuées par des échanges et des débats sur la «légitimité» de proclamer le jihad au Maroc sous la houlette de Daech. La méthode est bien connue: attaquer les intérêts occidentaux, les touristes étrangers. Également ciblés, les éléments des services de sécurité, accusés d’être au service du Taghout en vue de les déposséder de leurs armes, conformément aux appels de la chefferie de l’organisation terroriste. Ceci, tout en accusant d'apostasie la société et les institutions marocaines.
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Dans la même logique, Zoller Cuervos a initié ses acolytes aux techniques de téléchargement de vidéos via les applications de messagerie instantanée, dont Telegram. Ensemble, les membres de ce groupe ont mené, la même année, une partie de paint-ball dans un club à Marrakech. Le but était de se familiariser, à l’aide de ces pistolets à air comprimé, avec les techniques du tir de camouflage.
Le ressortissant suisse comptait par ailleurs approcher des Subsahariens pour leur inculquer le credo et l’idéologie de Daech et mettre ainsi à profit leurs connaissances des itinéraires empruntés par les migrants clandestins et ainsi rallier les rangs des filiales de Daech dans le sud du Sahara.
Si l’implication directe de Kevin Zoller Cuervos dans le meurtre d’Imlil n’est pas établie pour l’heure, ce dernier n’en est pas moins un jihadiste convaincu et aguerri, imbu de l’idéologie sanguinaire de Daech. Il a même manifesté sa capacité à s’investir dans des équipées terroristes sur le sol marocain. Ses dérives extrémistes n’avaient d’ailleurs pas manqué d’attirer l’attention de plusieurs services de sécurité européens.