Deux ans à peine après l'accession du Maroc et de la Tunisie à leur indépendance vis-à-vis de la France, les leaders de l'Istiqlal marocain et du Néo-Destour tunisien, en plus des dirigeants du FLN algérien alors en pleine guerre d'indépendance, se sont donnés rendez-vous au Palais Marshan dans la ville du Détroit, érigée en cette dernière semaine du mois d'avril 1958 en capitale maghrébine.
Le rêve de l'union maghrébine semble à portée de main. Les représentants des trois mouvements de libération nationale proclament solennellement la foi en l'unité du Maghreb et la volonté de la réaliser dès que les conditions s'y prêteront, "c'est-à-dire quand les forces françaises et étrangères auront évacué leurs bases de Tunisie et au Maroc et quand l'Algérie sera devenue indépendante".
Initiative marocaine, la Conférence historique de Tanger traduit une volonté réelle de poser les premiers jalons du futur ensemble communautaire maghrébin, un rêve que les peuples de la région n'ont eu de cesse de caresser. Elle devient également le symbole d'une union régionale ayant contribué à réactiver les vieux réflexes de solidarité entre les peuples et à cimenter le sentiment d'appartenance à une communauté du destin.
A l'issue des travaux de cette rencontre maghrébine, les participants adoptent une résolution affirmant leur volonté d'œuvrer à la réalisation de l'union, étant conscients de la nécessité d'exprimer la volonté unanime des peuples du Maghreb Arabe d'unir leur destin et convaincus que le moment était venu de réaliser cette volonté d'union dans le cadre d'institutions communes.
Une ambition restée comme telle, jusqu'en 1988, lors du sommet de Zeralda en Algérie, où les dirigeants maghrébins décident de créer l'Union du Maghreb Arabe (UMA) qui sera proclamée le 17 février 1987 à Marrakech. Mais l'Union sera malheureusement gelée en 1994.
En effet, le traité de Marrakech stipule que les frontières doivent rester ouvertes entre les pays membres pour faciliter la libre circulation des individus et des marchandises et renforcer les liens de fraternité entre les dirigeants et les peuples des pays membres. Or, l'Algérie n'accorde aucune importance à ces dispositions et s'obstine à garder fermées ses frontières terrestres avec le Maroc.
Si les peuples maghrébins ont dû attendre plus de 31 ans pour que l'UMA voie le jour, ce rêve a malheureusement fini par s'évaporer alors que l'esprit unioniste ayant émergé dans les années 50 n'a pas pris une ride.
"Force est de constater que la flamme de l'UMA s'est éteinte, parce que la foi dans un intérêt commun a disparu ! L'élan mobilisateur de l'idéal maghrébin, promu par les générations pionnières des années 50, se trouve trahi", a déploré SM le Roi Mohammed VI dans Son discours prononcé à Addis-Abeba au lendemain du retour du Maroc à l'Union africaine.
"Aujourd'hui, nous constatons avec regret que l'UMA est la région la moins intégrée du continent africain, sinon de toute la planète: Alors que le commerce intra-régional s'élève à 10% entre les pays de la CEDEAO, et à 19% entre les pays de la SADEC, il stagne à moins de 3% entre les pays du Maghreb. De même, tandis que la Communauté Economique d’Afrique de l’Est avance dans des projets d’intégration ambitieux, et que la CEDEAO offre un espace fiable de libre circulation des personnes, des biens et des capitaux, les pays du Maghreb sont, eux, à un niveau de coopération économique très faible", a ajouté le Souverain.
Face à ce contexte économique et politique difficile, la relance de l'union maghrébine est de mise pour l'édification d'un espace socioéconomique intégré et solidaire et l'unification des rangs des peuples de la région, à même de permettre à celle-ci d'assumer le rôle qui lui incombe au sein du concert des nations. A condition, bien entendu, de l'existence d'une réelle volonté politique de faire valoir la suprématie des intérêts maghrébins.