La recette n’est pas compliquée. Beaucoup de bonne volonté, un brin de pragmatisme et une volonté affichée de partage des fruits du développement. Et cela a bien réussi. Au point que, si personne ne s’intéressait à la politique africaine du Maroc il y a dix ans, aujourd’hui, «cette dimension de l'identité et de la diplomatie du Royaume apparaît comme une évidence et comme une réussite», écrit le magazine français Le Point dans une analyse mise en ligne ce mardi 2 mars.
L’auteur de cette analyse revient sur le changement de doctrine en matière de politique étrangère du Maroc vis-à-vis de l'Afrique. Révolu, le temps de la politique de la chaise vide où le Royaume rompait systématiquement ses relations diplomatiques avec les pays qui reconnaissaient le Polisario comme représentant légitime des Sahraouis. Désormais, il adopte une nouvelle approche. Dans ses relations avec les Etats, ceux d’Afrique principalement, le Maroc met de côté la question du Sahara et construit ses partenariats sur une base économique avec une approche gagnant-gagnant. Le résultat est là. Entre la première visite du Roi en Mauritanie en 2001 et la demande officielle du Maroc de réintégrer l’UA, en 2016, le Souverain a effectué une quarantaine de visites d'État sur le continent.
Lesquelles visites se sont d’ailleurs soldées par la signature de centaines de conventions de partenariat et de coopération. Mais la réussite n’est pas qu’économique. Ces visites royales ont également produit des résultats politiques, souligne l’auteur de cette analyse. La preuve: sur les 26 pays qui soutenaient le Polisario, une dizaine a retiré sa reconnaissance du Front. Plus encore, 28 États africains ont soumis une motion à l’UA pour exclure la pseudo-RASD. Et «si cette motion n'a pas abouti, elle a néanmoins marqué un renversement décisif des rapports de force continentaux. Le Maroc était désormais reconnu comme une puissance continentale, au même titre que l'Afrique du Sud ou le Nigéria», relève Le Point.
D’après le Magazine, «la reconnaissance diplomatique de l'intégrité territoriale marocaine n'était toutefois pas le seul leitmotiv de cette politique africaine». En effet, depuis le début des années 2000, le Maroc s'est davantage ouvert aux marchés mondiaux des capitaux et s'est engagé à l'échelle domestique dans la quête de l'émergence par la croissance économique. Cette quête s'est illustrée par des investissements considérables dans les infrastructures urbaines et rurales, par la transition vers la production manufacturière et par le maintien d'un taux de croissance de 4 % en moyenne depuis les années 2000.
En conséquence, poursuit Le Point, de nombreuses grandes entreprises publiques et privées souhaitent désormais offrir leurs services à l'extérieur des frontières marocaines et investir de nouveaux marchés. La présence économique marocaine s'est dès lors affirmée dans différents secteurs en Afrique, parmi lesquels les industries minières, les infrastructures, les banques et assurances, l'agriculture et l'agroalimentaire, les télécommunications et les finances. C’est pour dire que cette ouverture sur l’Afrique n’est pas uniquement d’ordre politique, mais également économique et qu'elle a mis à contribution aussi bien les membres d’un gouvernement et les acteurs publics que les hommes d’affaires et les entreprises privées. Là encore, le résultat parle de lui-même. Dès le milieu des années 2010, le Royaume devenait le premier investisseur africain en Afrique de l'Ouest et le deuxième à l'échelle continentale, après l'Afrique du Sud, observe le magazine.
Pour Le Point, la politique africaine du Maroc repose sur une approche à la fois «réaliste» et «constructiviste». Elle est réaliste car elle s'efforce de dépasser les clivages idéologiques pour défendre un certain nombre d'intérêts nationaux. Elle est constructiviste car elle repose sur la défense d'une identité de rôle à l'échelle internationale. Par identité de rôle, le Magazine fait référence à une sorte de devise: «le juste milieu». De nombreux États, explique le magazine, ont une identité de rôle: «gendarme du monde», «défenseur des droits humains», «neutralité active», etc. «Au départ connue comme une expression philosophique, puis religieuse, la notion de «juste milieu» a acquis une valeur politique dans le champ discursif des décideurs marocains».
D'ailleurs, c'est au nom de cette identité de rôle que le Maroc s'est consacré à la coopération Sud-Sud en Afrique, en déployant notamment des diplomaties humanitaires, culturelles et religieuses, relève le magazine. Au-delà de ses champs d'action diplomatiques, la politique africaine du Maroc marque donc une redéfinition décisive de la géopolitique régionale et continentale. Il s'agit de l'affirmation et la reconnaissance internationale de l'identité africaine du Royaume, observe en conclusion la publication.