Le séisme dans la région d’Al Haouz est évidemment une tragédie nationale. Son bilan provisoire, qui s’alourdit de jour en jour, l’atteste: aujourd’hui, lundi, il a atteint 2.497 morts et 2.476 blessés. Un choc, un traumatisme dont les symptômes vont certainement se prolonger. Que faire? Réagir, rebondir et trouver dans cette douloureuse circonstance des ressources pour y faire face. C’est dans ces moments-là que le corps social, tel un seul homme, se ressaisit. On appelle cela, dans le vocabulaire d’Henri Bergson, «l’élan vital».
Tel a été le cas en l’espèce. Le séisme a eu lieu le vendredi 8 septembre courant, à 23H11 -il a duré une quinzaine de secondes. L’émoi a été général avec même une forte dose de sidération. Le lendemain, au début de l’après-midi, SM le Roi Mohammed VI réunit au cabinet royal, en présence du Prince héritier Moulay El Hassan, les responsables civils et militaires de premier plan. Un plan d’urgence est adopté. Il s’articule autour de plusieurs axes: les moyens et les équipes de recherche, de sauvetage et de secours, l’approvisionnement en eau et en kits alimentaires, l’hébergement des sans-abri et des sinistrés, la reprise des services publics, la prise en charge médicale, la constitution de stocks... Il faut y ajouter deux autres mesures: la création d’une commission interministérielle pour arrêter un programme d’urgence de réhabilitation et d’aide à la reconstruction -elle a été actée le dimanche 10 septembre lors d’une réunion d’urgence du Conseil de gouvernement. Enfin, l’ouverture d’un compte spécial (126) au Trésor et à Bank Al-Maghrib. Ce sera là l’opportunité de concrétiser la solidarité de tous et nul doute qu’elle témoignera de cet état d’esprit de toutes les composantes de la communauté nationale. Les centres de transfusion de sang, pratiquement pris d’assaut par des milliers de donneurs, expriment bien cette mobilisation. Dans ce même registre, comment ne pas voir et saluer tout ce qui est entrepris sur place par les citoyens pour aider des voisins, voire des inconnus à s’alimenter, à s’approvisionner? La culture du partage et de l’entraide. La communauté marocaine à l’étranger n’est pas en reste, tant s’en faut: elle s’est aussi mobilisée sur ce nouveau «front».
Avec ses propres moyens, n’est-ce pas tout le Maroc qui de nouveau décide de se prendre en charge? Question de fierté nationale. Et de souveraineté aussi. Le Royaume a apprécié tous les messages de solidarité du monde entier, du Premier ministre indien Narendra Modi, qui été le plus prompt, du Président chinois Xi Jinping, du Président américain Joe Biden, des membres du G20 réunis à New Delhi, des 27 membres de l’UE, du président comorien de l′Union africaine, du Chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez, ainsi que de nombreux autres chefs d’État et de gouvernement.
Le Maroc a décidé, pour l’heure, de réguler l’aide internationale. Ainsi, il n’a donné de réponse qu’à quatre pays (Espagne, Qatar, Émirats arabes unis et Grande-Bretagne). Pourquoi? Parce que cette décision est justifiée par la nécessité d’une bonne évaluation sur le terrain. Le ministère de l’Intérieur a tenu à préciser que d’autres offres pourraient être acceptées suivant l’évolution des besoins. Le Maroc tient ainsi à réaffirmer sa souveraineté, sa fierté aussi, sans oublier sa capacité à faire face à la situation. Au passage, le forcing médiatique et diplomatique de Paris et de ses relais a été passablement contre-productif. L’on était pratiquement sommé d’obtempérer...
Dans le domaine de la prévention et de la gestion des risques, le Maroc peut exciper d’une accumulation forgée lors des dernières décennies. Une prise de conscience nationale s’affirme de plus en plus. La première strate intéresse les risques naturels (inondations de 2002 à Mohammedia et Berrechid, Tanger en 2008, Al Gharb en 2009 avec 100.000 ha détruits; séismes d’Agadir en février 1960, avec 12.000 morts, et d’Al Hoceima en 1994 et 2004, avec 628 morts). La deuxième regarde les invasions d’acridiens dans le sud du Maroc en 1987-89 et en 2003-2004 avec 2.832.000 ha traités, ainsi que les incendies de forêt avec une moyenne annuelle de 3.000 ha ravagés (Rif, Moyen Atlas et Haut Atlas). Il faut aussi mentionner sur ce registre des risques naturels de la sécheresse, des pénuries d’eau, de l’érosion et de la désertification. Un autre secteur concerne, lui, ce qu’on appelle les risques technologiques (incendies et explosions dans les installations industrielles et commerciales, pollutions par les hydrocarbures, accidents de pollution des eaux superficielles et souterraines, accidents de transport...)
Le cadre institutionnel de la prévention et de la gestion des risques s’articule autour de près d’une dizaine de départements ministériels, ainsi que de commissions, réseaux et conseils. Quant au cadre réglementaire, il se fonde notamment sur la loi de 1955, relative à la protection civile, à la loi 10-95 sur l′eau et au décret du 22 février 2002 sur l’application du règlement de construction parasismique RFS 2000, et sur plusieurs lois (loi 11-03 sur le protection et la mise en valeur de l′environnement, loi 12-03 sur les études d’impact d’ environnement, loi 13-03 relative à la lutte contre la pollution atmosphérique, Plan d’urgence national de lutte contre les pollutions marines accidentelles…). Plusieurs stratégies et programmes sectoriels intéressent aussi la gestion des risques (INDH, Protection de l’environnement et développement durable, Schéma national de l’aménagement du territoire, Stratégie nationale du tourisme, Plan Maroc Vert, Plan Halieutis, Stratégie de gestion des ressources hydrauliques…). Des actions sectorielles sont également prévues: audits de sécurité des installations énergétiques et gazières, gestion des urgences médicales et des risques sanitaires liés aux catastrophes, équipements des dépôts régionaux de la Protection civile, veille et coordination de pilotage et de gestion des crises ou catastrophes naturelles.
Cela dit, force est de faire ce constat: la problématique de la gestion des risques a-t-elle eu des réponses conséquentes et efficientes? L’on note en effet l’insuffisance de la prise en compte des risques naturels dans les plans régionaux de développement. De plus, l’étude de la cartographie prévisionnelle des risques naturels est à actualiser. Enfin, la législation reste incomplète. Une loi-cadre s’impose à l’évidence. Elle doit conduire en même temps à l’élaboration et à la mise en place d’une plateforme nationale permettant d’assurer la coordination des actions entreprises et des politiques qui les définissent. Un vaste chantier posé à l’ordre du jour du gouvernement.