David Aaronson, directeur adjoint de l’Abraham Accords Peace Institute, était le conseiller principal du ministre israélien de la Coopération régionale, Ofir Akunis. Il a joué un rôle essentiel dans la mise en œuvre des Accords d’Abraham, en facilitant notamment le déplacement de la première délégation municipale israélienne aux Émirats arabes unis et en promouvant une coopération en matière de santé entre Rabat et Tel-Aviv. Après son mandat gouvernemental, il a aidé à créer le Caucus des Accords d’Abraham à la Knesset.
Dans cette interview, David Aaronson évoque les liens entre le Maroc et Israël. Il donne un aperçu des initiatives qui ont façonné et continuent de stimuler ces relations. D’après lui, l’étape cruciale à venir serait la reconnaissance formelle du Sahara marocain par Israël.
Le360: Comment évaluez-vous l’état actuel des relations entre le Maroc et Israël?
David Aaronson: Les liens entre le Maroc et Israël se distinguent par leur caractère particulier. Après une interruption due à la deuxième Intifada, les liens diplomatiques ont été rétablis en décembre 2020. Malgré cette période de rupture, la relation entre les deux peuples est demeurée solide. Je tiens à rappeler que la présence de la communauté juive au Maroc remonte à des milliers d’années, avec des érudits et rabbins éminents tels que Maïmonide et Yitzhak Al Fassiyine ayant vécu et enseigné dans le Royaume. Leur héritage est encore étudié par les Juifs du monde entier.
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En ce qui concerne l’état actuel des relations entre les deux pays, il est important de souligner que celles-ci vont au-delà des aspects diplomatiques. En effet, notre relation englobe non seulement les interactions officielles entre les gouvernements, mais aussi les liens entre les peuples. Les échanges culturels, économiques et touristiques se sont renforcés au fil des années, contribuant à un rapprochement significatif entre nos deux pays.
Quels efforts ont été déployés jusqu’à présent pour favoriser l’amélioration de ces relations?
Bon nombre d’initiatives ont été mises en œuvre pour stimuler l’amélioration des relations entre le Maroc et Israël. L’accent a été particulièrement mis sur le développement des échanges touristiques, commerciaux et économiques. Dans ce contexte, plusieurs visites ministérielles ont eu lieu entre les deux pays.
Ces visites ministérielles ont permis d’établir des rencontres et des discussions de haut niveau, favorisant ainsi le dialogue et l’échange d’idées pour développer des partenariats mutuellement bénéfiques. Des missions économiques ont également été organisées, permettant aux entreprises des deux pays de se rencontrer, d’explorer des opportunités commerciales et de renforcer les investissements bilatéraux.
Concernant les flux touristiques, une décision historique a été prise du côté marocain en permettant aux Israéliens, ainsi que des ressortissants d’autres pays, de visiter le pays grâce aux e-visas, simplifiant ainsi leur voyage. Ils peuvent désormais faire une demande en ligne et recevoir l’autorisation de visiter le Maroc en seulement 48 heures.
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Les vols directs entre Tel-Aviv et Casablanca et Marrakech, assurés par des compagnies aériennes telles que Royal Air Maroc, El Al, Israir et Arkia, sont très prisés et témoignent de la popularité croissante des voyages entre les deux pays. Par ailleurs, nous constatons une augmentation du nombre de restaurants casher au Maroc pour répondre aux besoins des touristes israéliens.
Sur le plan commercial, un accord majeur a été signé entre l’ancienne ministre israélienne du Commerce, Orna Barbivai, et son homologue marocain, Ryad Mezzour. Idem pour la défense ainsi que d’autres secteurs clés.
Une étape significative a été franchie dans les relations entre Israël et le Maroc lorsque l’ancien ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, a signé un protocole d’accord à Rabat pour encadrer les relations sécuritaires entre les deux pays.
Comment cette dynamique s’est-elle traduite dans les échanges économiques et les relations diplomatiques entre les deux pays?
Tout d’abord, plusieurs projets communs sont en train de se concrétiser, notamment dans le secteur de l’eau et de l’agroalimentaire. L’entreprise israélienne Harman Al-janoubi a récemment lancé un projet d’aquaculture dans le Sahara marocain. Cette collaboration revêt une grande importance, car Israël et le Maroc partagent tous deux des régions désertiques: le Néguev pour Israël et le Sahara pour le Maroc. Il est essentiel que nous travaillions ensemble pour développer nos deux déserts dans l’intérêt mutuel de nos peuples.
De plus, nous avons remarqué cette année une augmentation significative des échanges commerciaux entre Israël et les pays des Accords d’Abraham. Le Maroc a enregistré la plus forte hausse, dépassant celles des Émirats arabes unis et de Bahreïn.
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Rien que le mois dernier, les échanges avec le Maroc ont augmenté de plus de 150% par rapport à l’année précédente, représentant ainsi un doublement remarquable en si peu de temps. Une croissance aussi rapide est rare, ce qui rend cette réalisation encore plus remarquable par rapport aux pays signataires des Accords de paix.
Quelle est, d’après vous, la prochaine étape pour renforcer davantage ces relations?
Je suis convaincu que le prochain pas décisif dans l’amplification des liens entre le Maroc et Israël réside dans la reconnaissance formelle du Sahara marocain par Israël. Cette action ne serait pas uniquement cruciale pour le Maroc, mais servirait également des objectifs sécuritaires israéliens. Le Polisario, bénéficiant du soutien de l’Iran et du Hezbollah, ennemis d’Israël, verrait ses positions fragilisées par cette reconnaissance.
C’est donc un enjeu de sécurité nationale pour Israël, et un signe fort de notre soutien au Maroc face aux menaces terroristes. Cette reconnaissance contribuerait également à nourrir la profonde amitié qui unit nos deux nations. Chacun possède un désert que nous souhaitons développer conjointement, du Néguev au Sahara marocain. En unissant nos efforts dans des secteurs clés comme l’eau et l’agriculture, nous pourrions transformer nos déserts en oasis, pour le bien-être de nos populations.
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J’ai le sentiment que cette reconnaissance est en passe de devenir une réalité. D’après les échos que j’ai pu recueillir, ce n’est plus qu’une question de temps. J’attends avec impatience l’annonce de cette excellente nouvelle.
La conclusion d’un accord de libre-échange suscite un intérêt croissant. Quels en seraient les bénéfices?
Nous avons déjà conclu un accord de libre-échange avec les Émirats arabes unis et le Bahreïn, et nous sommes optimistes quant à la possibilité d’en conclure un accord similaire avec le Maroc. Cette perspective revêt une grande importance, car Israël est la porte orientale de la Méditerranée, tandis que le Maroc est la porte occidentale. Il est crucial de promouvoir les échanges commerciaux non seulement par voie aérienne, mais aussi par voie maritime et de fret.
Les échanges de grande valeur et d’envergure se feront principalement par voie maritime, du bassin méditerranéen occidental et du Maroc vers le bassin méditerranéen oriental et Israël. Cela renforcera la stabilité économique et les avantages mutuels pour nos deux pays. Nous avons bon espoir que l’ouverture d’une mission commerciale israélienne à Rabat facilitera la conclusion de cet accord de libre-échange et stimulera encore davantage les échanges entre nos deux nations.
Un dernier mot…
Nous sommes une famille et nous devons nous percevoir comme telle. Cette unité partagée est le fondement de notre histoire commune et de notre avenir. Lorsque nous coopérons, nous sommes plus forts. En travaillant ensemble, nous renforçons notre région et créons un avenir meilleur pour nos enfants et nos petits-enfants. C’est ainsi que les héritiers d’Abraham porteront la paix d’Abraham avec une force accrue.
Cette relation se renforcera davantage dans le temps. Les progrès réalisés jusqu’à présent sont encourageants. Il est désormais essentiel de permettre à cette relation de réaliser son plein potentiel dans tous les domaines.