Mais quelle mouche a piqué le président de la région de Drâa-Tafilalet, El Habib Choubani, qui a évoqué l’expérience du pouvoir algérien en matière d’«atomisation des partis»? L’ex-ministre, qui traîne plusieurs casseroles, semble vouloir imiter son mentor, Abdelilah Benkirane, qui multiplie les sorties médiatiques à chaque fois qu’il se trouve en difficulté. Intervenant, dimanche dernier, dans le cadre d’un séminaire sur la «crise de la médiation et les pannes de l’institution partisane», Choubani a accusé le pouvoir algérien d’avoir «anéanti les partis et le système de médiation, provoquant ainsi une crise sociétale profonde». Une crise, précise-t-il, qui a entraîné une guerre civile des plus meurtrières pendant la décennie noire, suite à l’annulation des élections remportées par les islamistes.
Subtile corrélation, s'il en est, avec ses «frères» islamistes algériens, d’autant que Choubani est allé jusqu’à affirmer que c’est cette dévalorisation des partis politiques qui a été à l’origine du drame algérien. Il est clair que l’ex- ministre, qui s’est montré très enflammé face à la Chabiba du PJD, mettait ainsi en garde contre toute transposition de ce modèle au Maroc. Le ton du dirigeant islamiste, qui a également évoqué les conflits sociaux en France, était d’ailleurs menaçant. Les protestations des gilets jaunes et les grèves dans tous les secteurs, a-t-il martelé, sont les conséquences de «l’élection d’un président qui n’est pas issu d’un parti».
Le quotidien Al Ahdath Al Maghribia rapporte, dans son édition du mardi 4 février, que Choubani a toutefois, passé ce moment d’enthousiasme, essayé de tempérer ses propos. Il a ainsi souligné qu’il existait, aujourd’hui, des préoccupations au sein de la société marocaine et une demande pressante pour plus de libertés, de dignité et de droits socioéconomiques. Mais, poursuit-il, les moyens d’expression outrepassent parfois les convenances, voire les limites imposées par la loi. Choubani plaide donc pour le recours à la Constitution et exhorte l’Etat et les partis à privilégier la réconciliation en faisant de la négociation un mécanisme pour solutionner les conflits et les divergences.
Selon des sources proches du PJD, l’ex-ministre a été contraint de donner ces éclaircissements après les propos qu’il avait tenus lors de son intervention devant les séminaristes. Une sortie de route, poursuivent les mêmes sources, qui s’explique par la gêne que ressent Choubani face à l’émergence de plusieurs dossiers concernant sa gestion quand il était ministre chargé des relations avec le Parlement, ainsi que sa gestion en tant qu’actuel président de la région de Drâa-Tafilalet. L’ex-ministre était sous pression, notamment après la publication d’un rapport accablant de la Cour des comptes qui pointe sa façon de distribuer des indemnités à ses collaborateurs, en leur versant des espèces sonnantes et trébuchantes.