La capitale vit ces derniers mois au rythme d’une effervescence politique qui ne passe pas inaperçue. À une année des élections législatives de 2026, les tractations se multiplient, les fidélités s’effritent et les ambitions personnelles viennent bousculer les équilibres établis. Rabat, haut lieu du pouvoir et vitrine de la vie politique nationale, devient aujourd’hui un laboratoire de ce que certains appellent déjà «la grande recomposition», écrit le quotidien Al Akhbar dans son édition du vendredi 19 septembre.
Ainsi, des figures politiques locales d’envergure s’apprêtent à claquer la porte de leurs partis pour rejoindre des formations plus attractives, séduites par des promesses de têtes de liste et d’investitures garanties. L’objectif: maximiser leurs chances dans une capitale où les batailles électorales se gagnent souvent à quelques centaines de voix près.
C’est dans ce contexte que le nom d’Ibrahim El Joumani, président de l’arrondissement de Youssoufia, retentit fortement. L’élu a décidé de quitter le Parti authenticité et modernité (PAM) pour rallier le Rassemblement national des indépendants (RNI). Une défection lourde de sens, tant El Joumani dispose d’un ancrage territorial solide et d’une capacité de mobilisation électorale reconnue. Son arrivée au sein du parti de la colombe pourrait bouleverser les rapports de force dans la circonscription de Rabat-Chellah, surnommée «la circonscription de la mort», souligne Al Akhbar. Ceci, en raison de l’intensité des affrontements politiques qui s’y jouent entre barons locaux et leaders nationaux.
Mais le cas El Joumani n’est pas isolé. Plusieurs élus et conseillers d’arrondissement songent eux aussi à changer de camp, misant sur un repositionnement stratégique pour peser davantage dans le prochain paysage politique. Cette tendance alimente les craintes d’une recrudescence du «nomadisme politique», une pratique critiquée de longue date au Maroc, mais qui reste difficile à contenir faute de mécanismes réellement dissuasifs.
Pour les partis, l’enjeu est de préserver la cohésion interne et d’empêcher l’hémorragie, tout en renforçant leurs rangs en accueillant des personnalités capables de garantir des résultats dans les urnes. Mais à trop privilégier les profils électoralement «rentables», les formations risquent de sacrifier leurs principes idéologiques et leur cohérence stratégique, relève Al Akhbar.
Cette agitation trouve un écho direct au sein du Conseil de la ville de Rabat. La présidente Fatiha El Moudni (RNI) fait face à une fronde d’une partie de ses propres alliés. Plusieurs conseillers issus de la majorité ont choisi de boycotter ses travaux, dénonçant un manque de concertation et une gestion jugée unilatérale. Ce climat tendu fragilise la gouvernance locale et risque de paralyser certains projets structurants pour la capitale.
À un an du scrutin, ces mouvements traduisent l’installation d’un pragmatisme électoral de plus en plus assumé, où la loyauté partisane s’efface devant la logique des investitures et des calculs arithmétiques. La quête des voix prime désormais sur l’adhésion idéologique, accentuant le décalage entre les appareils politiques et les attentes des citoyens.
À Rabat, cette recomposition pourrait accoucher d’un paysage électoral particulièrement instable, marqué par des alliances de circonstance, des rivalités exacerbées et une compétition sans merci. Pour les observateurs, la capitale pourrait bien donner le ton d’un scrutin national où le jeu des ralliements pèsera lourdement sur la configuration du futur Parlement et sur l’équilibre de la majorité.








