Le PPS souhaite se construire une nouvelle identité démocrate moderne de gauche. Vaste projet pour notre vieux parti communiste, traînant toujours une communication nostalgique et une image teintée d’opportunisme qu’il peine à chasser.
Il y a des mots et des faits qui vous transportent en un clin d’œil plusieurs décennies en arrière. Commençons par les mots: le titre choisi par le quotidien «Al Bayane», «Succès éclatant», pour rendre compte de la 9e session du Comité central (CC) m’a rappelé les années 70/80 et ce florilège d’adjectifs utilisé par la presse russe. Les faits: le même CC a adopté à «l’unanimité tous les documents présentés», aucune divergence, même minime. Y a-t-il eu des applaudissements nourris à la fin? Cela n’a pas été précisé.
Venons au reproche d’opportunisme. Suite à l’effondrement du bloc socialiste, le PPS qui n’avait pas anticipé correctement cet événement et afin de perpétuer son existence s’est mis en quête d’une nouvelle visibilité. La participation au gouvernement d’alternance lui en a donné une. Appréciant la participation, il n’a pas voulu y renoncer quitte à opérer des alliances «contre-nature» et donner l’image de quelqu’un qui s’accroche. Contraint ces dernières années de rejoindre l’opposition, il multiplie les sorties médiatiques, toujours à la recherche de visibilité, en haussant le ton, quitte à sacrifier la pertinence au bénéfice de l’approximatif.
Avant d’analyser «l’offre politique» du PPS, rappelons que notre conviction, à nous, épouse la nécessité d’une opposition parlementaire forte disposant d’un programme alternatif et de ressources humaines pouvant l’appliquer. Cela est de nature à renforcer notre démocratie et notre stabilité politique.
Que reproche le PPS au gouvernement actuel? Sa faiblesse politique? Les trois conditions premières requises par les politologues pour se prononcer sur la solidité d’un gouvernement sont là: une majorité au parlement plus que confortable, une «harmonie idéologique» entre les partis qui le composent et un programme. Est-il faible parce qu’il n’a pas intégré l’ensemble des partis politiques? Cela aurait été funeste pour la richesse du débat démocratique.
Est-ce une faiblesse programmatique? Le programme du gouvernement est riche par les emprunts d’abord au Nouveau modèle de développement (NMD) que partage en grande partie le PPS et par les autres chantiers ouverts. Reste le style, là, il faut le dire, Akhannouch n’a pas la faconde d’un Benkirane.
Doit-on s’arrêter là? Le PPS reproche aussi au gouvernement son incapacité à faire front à l’inflation importée, de ne pas protéger suffisamment le pouvoir d’achat, de ne pas disposer d’un plan de relance de l’économie, de ne pas protéger les plus pauvres et les plus précaires. A-t-il raison sur l’ensemble des points? Il y a lieu de nuancer. Surtout sur le volet Etat social, où le gouvernement a fait des avancées. La signature de la Charte sociale est un acquis incontestable que le PPS oublie de mentionner, l’effort de la caisse de compensation est conséquent, le nombre d’adhérents à la protection sociale est en augmentation remarquable, Awrach et Forsa démarrent. Sur la lutte contre l’inflation et la relance économique, les résultats sont plus mitigés.
La lecture des sorties du PPS appelle une remarque de fond: les orientations et les mesures ne sont pas rejetées, c’est la lenteur d’application qui est en question. Doit-on comprendre qu’en changeant les gestionnaires on ferait mieux? Comme offre politique venant d’un parti censé disposer d’une vision et d’un programme, c’est un peu court.
L’offre politique d’un parti qui se veut moderne peut-elle se contenter de la critique des résultats de l’activité gouvernementale ou doit-elle aller au-delà en proposant d’autres options chiffrées? La disponibilité des chiffres de l’activité économique permet aujourd’hui d’élaborer des programmes tout en n’exerçant pas de responsabilités exécutives.
En affichant cette incapacité d’avoir une offre politique complète, le PPS, n’est-il pas entrain de payer ses choix de négliger les cadres politiques formés au bénéfice de «notables», capables de ramener des voix, mais incapables d’élaborer des programmes?
Les sorties récentes de Nabil Benabdallah, secrétaire général du PPS, pour justifier «son obligation» de se «sacrifier» pour exercer un nouveau mandat sont éloquentes sur la faillite de la politique de gestion des ressources humaines de ce parti. En 12 ans d’exercice, n’a-t-il pas eu le temps de former une relève? A quoi sert la «direction collégiale» que ce parti sensé être de gauche est obligé de pratiquer? Quelque part, il y a quelque chose de vexant pour les cadres de ce parti, du moins le peu qu’il en reste, de s’entendre dire qu’ils ne sont pas à la hauteur de la mission. Il y a dans ces déclarations des relents de «Zaïm», lointains des valeurs de la gauche.
Le PPS, au-delà d’appartenir à ses militants, fait partie d’un paysage politique que nous appelons de nos vœux moderne et riche. A lui de faire de son congrès l’occasion d’un saut qualitatif.