Les pays riches, bien que ne comptant que 13% de la population mondiale, avaient raflé 50% des doses de vaccins produites. L’égoïsme de certaines nations ne connaissait plus de limites. Le Canada avait acheté d’un seul coup de quoi vacciner cinq fois sa population. Les Etats-Unis et la France, trois fois. L’Organisation mondiale de la santé avait essayé de réguler ce commerce en demandant plus d’équité dans l’accès, peine perdue. Le bilatéralisme avait supplanté le multilatéralisme. Les pays et les grandes entreprises pharmaceutiques qui disposaient du vaccin ont vite compris qu’ils avaient à disposition un instrument de soft power pour les premiers et une manne financière pour les seconds. La création et la production de vaccins sont devenues des attributs de puissance.
Le Maroc a bien retenu la leçon. Sous le leadership du Roi Mohammed VI, il a déployé sa stratégie de lutte contre la pandémie Covid-19 en deux temps. Un effort diplomatique et financier continu pour assurer un maximum d’approvisionnement en doses de vaccins, l’installation d’une unité de production de vaccins d’une capacité répondant aux besoins nationaux et régionaux.
Avec un taux de vaccination de 63.31% de la population, le Maroc se place au premier rang des pays africains, selon le décompte de l’université Johns Hopkins de Boston au 15 janvier 2022. Loin devant l’Afrique du Sud (27.72%), l’Egypte (25.6%), l’Algérie (13.68%) et le Sénégal (6%). Cette situation qui le rapproche de l‘immunité collective, plus que tout autre pays africain, aurait pu le dispenser de la création d’une unité de production de vaccins appelée à devenir parmi les cinq premières au monde en capacité et s’engager sur un investissement de 500 millions d’euros.
Plusieurs facteurs ont pesé dans la balance pour convaincre les décideurs à sauter le pas. Les besoins de l’humanité en vaccins ne sont pas satisfait, surtout en Afrique où moins de 10% de la population est vaccinées contre la Covid-19 à défaut d’offre suffisante. Il est fort probable que les besoins en vaccins anti Covid-19 deviennent annuels et qu’apparaissent d’autres virus avec d’autres besoins.
La demande existe, au niveau national et continental. Une unité de cette taille au-delà d’assurer notre sécurité physique peut jouer le rôle de locomotive dans un écosystème biotechnologique et sanitaire national à développer. D’autant qu’elle se fixe comme objectif la production des substances actives, stimuler la recherche, établir des partenariats avec des instituts de recherches et laboratoires mondiaux.
En dehors du Maroc, quatre autres pays africains ont affiché leurs ambitions de se doter d’unités de fabrication et/ou de conditionnement de vaccins anti Covid-19, bien que leurs médiocres performances en matière de vaccination trahit la faiblesse de leur système de santé: l'Afrique du Sud, l'Egypte, l'Algérie et le Sénégal. Peuvent-ils se positionner en concurrents du projet marocain?
Pour l’heure, c’est le projet sud-africain qui semble le plus sérieux, les trois autres se limitent à de la mise en bouteille et traitent des volumes modestes incapables de subvenir aux besoins locaux. Le projet d’Afrique du Sud va mobiliser 200 millions de $, il n’est pas de la taille de celui marocain, son promoteur est un chercheur sud-africain d’origine chinoise, établi en Californie. Il dispose d’un brevet d’invention d’un vaccin anti-Covid-19 qui n’a pas encore fait ses preuves.
Bien évidemment, les responsables sud-africains, à l’instar des responsables des trois autres pays susmentionnés, ont déjà commencé à communiquer sur leurs projets dans le continent. C’est une question d’image.
L’offre du Maroc est plus crédible: un système de santé performant, capable d’atteindre l’immunité collective à travers un haut taux de vaccination, une unité de production de taille imposante pouvant proposer divers vaccins pas uniquement contre la Covid-19, des appareils respiratoires, des masques, des blouses. Bref, ce que notre écosystème de santé en formation est capable d’offrir.
L’Etat «stratège», en étant l’initiateur du projet «Sensyo Pharmatech», en mobilisant les financements publics et privés, aura assuré notre future souveraineté sanitaire, contribué à développer un écosystème biotechnologique et de santé national et, last but not least, améliorer notre image à travers le monde.