Le rendez-vous est un évènement en soi. Ce qui s’apparente dans les démocraties proches à un exercice ordinaire, le chef de l’exécutif intervient souvent devant la presse, chez nous c’est encore un fait rare.
Nos élites politiques, si elles sont familières de la communication politique, exercice peu laborieux visant la conquête du pouvoir, elles sont beaucoup moins à l’aise dans la communication publique qui consiste à exposer et défendre leurs activités gouvernementales. Exercice nécessaire pour emporter l’adhésion de la population, renforcer les liens avec elle et l’informer des résultats obtenus. Les sociétés bien informées acceptent plus facilement les décisions et améliorent leurs performances.
Des rapports limités avec la presse ne sont pas uniquement l’apanage de l’actuel chef du gouvernement. Chez nous c’est presque une tradition. La plupart des chefs de l'exécutif que le Maroc a connus depuis les années 90, de mémoire, n’ont pas fait preuve d’aptitudes particulières à traiter régulièrement et aisément avec la presse de tout l’éventail des politiques publiques. Quand ils se livraient à cet exercice, ils avantageaient les thèmes qui leur sont chers. Chacun avait sa zone de confort.
Abdellatif Filali était plus à l’aise dans la diplomatie que dans les dossiers économiques et sociaux. Abderrahamane Youssoufi s’intéressait à la problématique constitutionnelle et à l’arsenal juridique. Driss Jettou était un homme de dossiers économiques. Abdelilah Benkirane et Saâd Eddine El Othmani avaient une bonne culture religieuse, mais étaient dépourvus de formation économique.
La maîtrise de tous les dossiers, qualité requise d'un chef de l'exécutif, n’était pas leur principal atout, par absence de formation ou tout simplement d’intérêt. Pendant longtemps, les dossiers économiques et sociaux ont été réservés «aux spécialistes», car considérés par nos élites comme moins «nobles» que les dossiers politiques: réforme de la Constitution, bonne gouvernance, réforme de la justice et droits de l’homme. Le souci exagéré de ne pas empiéter sur les domaines réservés a fourni un autre prétexte à nos chefs de l'exécutif pour se libérer souvent à bon compte de relations suivies avec les médias et l’opinion publique.
Pourtant, le Maroc dans sa législation, et à travers divers travaux réalisés en commun avec des organismes internationaux, a fait de grands pas pour faire évoluer la communication publique, de l’information diffusée au citoyen à un enjeu d’adhésion et de mobilisation. Conscient que la communication publique est devenue un pilier de la bonne gouvernance et une des clés pour l’élaboration des politiques et services publics.
N’est-il pas temps pour notre exécutif de se mettre au diapason des avancées de l’Etat et de la pratique politique moderne, en matière de communication publique, afin de se donner de meilleures chances de réussite?
L’approche en matière de communication publique suivie par l’actuel exécutif semble privilégier «les résultats concrets» et la légitimation ex-post par l’opinion publique des décisions. C’est une méthode qui a fait son temps au profit d’une nouvelle équation qui allie la simultanéité du discours et de l’action. L’objectif étant d’assurer une participation des médias et des citoyens qui contribue à enrichir les débats et à sortir avec des décisions de qualité.
La plupart des chantiers initiés par le gouvernement gagneraient à s’assurer une adhésion citoyenne: la couverture sociale, la campagne de vaccination, la lutte contre l’informel, la valorisation des territoires à travers les petits investissements.
L’opinion publique a besoin de voir mercredi un leader politique, maîtrisant ses dossiers, convaincant, capable en assurant une bonne gouvernance de réaliser les projets initiés par le Roi, ceux du Nouveau Modèle de Développement et du programme de gouvernement. Un leader politique porteur d’une ambition pour son pays et qui communique plus souvent.