Dimanche 16 avril prochain, les militants de la cause kabyle et ses sympathisants organiseront des marches en Europe, en Amérique du Nord (États-Unis et Canada) et en Kabylie même, en vue d’exiger à nouveau l’indépendance de cette région, désormais considérée comme sous «administration coloniale algérienne». Ferhat Mehenni, le président du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK) et du Gouvernement provisoire de la Kabylie (ANAVAD), a récemment lancé un appel «au peuple kabyle et aux amis de la Kabylie pour participer aux marches qui auront lieu à Paris et en Amérique du Nord, dimanche 16 avril, et en Kabylie le jeudi 20 avril 2023».
Cet appel intervient un mois seulement après la marche monstre organisée à Paris, le 12 mars dernier, et qui a rassemblé plusieurs milliers de personnes venues réclamer l’indépendance de la Kabylie et dénoncer de vive voix l’acharnement de la junte algérienne et sa justice contre le président du MAK, Ferhat Mehenni, et nombre de militants kabyles, condamnés une semaine plus tôt à la perpétuité et faisant l’objet de mandats d’arrêt internationaux auxquels d’ailleurs aucun pays au monde n’accorde la moindre importance.
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Le 7 mars dernier, en effet, un tribunal d’Alger a confirmé la condamnation par contumace de Ferhat Mehenni à perpétuité, condamnation déjà prononcée en novembre puis en décembre 2022, et a relancé le mandat d’arrêt international émis à son encontre pour de prétendues «atteinte à l’intégrité territoriale», «atteinte à la sécurité de l’État», «atteinte à l’unité nationale et à la stabilité des institutions de l’État» et «création et appartenance à une organisation terroriste». Des chefs d’accusation tout en contradictions, car venant d’un régime qui feint de lutter contre le séparatisme alors qu’il finance, arme et héberge sur son territoire le Polisario, un mouvement séparatiste par le biais duquel il vise à porter atteinte à l’intégrité territoriale d’un État voisin.
À n’en pas douter, les nouvelles marches pour la Kabylie, prévues à partir de dimanche prochain, vont mettre le régime algérien sous haute tension. Lui qui vient de trembler rien qu’en voyant récemment apparaître furtivement les trois lettres du «MAK» en arrière-plan de l’une des scènes d’un feuilleton local, intitulé Damma, diffusé par la télévision publique algérienne (ENTV) durant le mois de ramadan.
L’Autorité algérienne de régulation de l’audiovisuel (ARAV) a tenté de faire le pompier en exigeant des explications de l’ENTV et en appelant, dans un communiqué officiel, à l’obligation de contrôler en amont les séries avant leur diffusion, afin d’éviter «toute ambiguïté ou équivoque pouvant donner lieu à des interprétations ou lectures sémiologiques à connotations graves».
De même, dans l’optique de l’acharnement contre tout ce qui est kabyle, exacerbé par le mot d’ordre du système «zéro kbaïli» (zéro kabyle), le tribunal administratif de Bejaïa a prononcé, le 1er avril courant, la dissolution de l’association «Azday Adelsan n Weqqas» (le Café littéraire d’Aokas) suite à une plainte déposée par le wali de la ville, qui avait accusé cette association de «prosélytisme religieux» et de «propagation du christianisme en distribuant des CD, des imprimés et dépliants dans les communes d’Aokas et Tizi N’berber». L’association dissoute a démenti les allégations du wali, affirmant que c’est plutôt l’intérêt qu’elle accorde à la culture kabyle en particulier, et celle amazighe en général, qui horripile le régime algérien.
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Reste à savoir si le défi lancé par le président du MAK, qui appelle à organiser une marche en Kabylie même, sera suivi d’effet, vu l’oukase portant interdiction totale de manifester en Algérie et qui a mis en veilleuse, depuis l’été 2021, le Hirak populaire et toute autre forme de liberté d’expression.
Cependant, en Amérique du Nord, les marches prévues risquent fort d’attirer du monde, surtout que les militants du MAK et de la diaspora seront encouragés par la récente décision des États-Unis, dont l’administration vient de considérer que le MAK n’est pas un mouvement terroriste comme le prétend régulièrement le régime algérien, mais qu’il s’agit d’un mouvement politique pacifique. Une gifle que le régime algérien a encaissée sans réagir.