Le Parquet général doit-il être indépendant ou être maintenu sous la tutelle du ministère de la Justice? Le débat autour de cette question, devenue un véritable serpent de mer, a pris une tournure encore plus virulente après l’adoption, jeudi, en conseil de gouvernement, du projet de loi relatif au Conseil supérieur de l’autorité judiciaire (CSAJ). "Alors que l’Amicale hassanienne des magistrats défend, par la voix de son porte-parole Noureddine Ryahi, l’indépendance du Parquet général à l’égard du ministère de la Justice, en vue de la soustraire aux étiquettes et surtout aux calculs politiques de tel ou tel parti au pouvoir, des voix s’élèvent pour appuyer l’option du maintien de cette instance judiciaire sous la tutelle du Garde des sceaux", relève le quotidien Annass, dans son édition du week-end.
Véritable curiosité politique, deux partis opposés, en l’occurrence le PJD et le PAM, ont rangé au placard leurs légendaires diatribes pour défendre, d’une même voix, l’option du maintien du Parquet général sous la tutelle du ministère de la Justice. Dans une déclaration au quotidien Annass, Abdellatif Ouahbi, membre dirigeant au PAM, a mis en relief le "bien-fondé" de cette option en soutenant qu’elle reste la seule à pouvoir garantir ce principe constitutionnel corrélant entre responsabilité et reddition des comptes. "Le maintien du Parquet général sous la tutelle du ministre de la Justice est le seul moyen de permettre au Parlement de demander au Garde des sceaux des comptes en cas de dérapages", plaide Ouahbi, également vice-président de la Chambre des représentants. En revanche, "il est difficile d’en faire autant avec le Procureur général près la Cour de cassation", allégue le député PAM. Allégation balayée d’un revers de la main par le porte-parole de l’Amicale hassanienne des magistrats. "C’est le roi qui se porte garant de l’indépendance de la justice", a-t-il mis en exergue, en faisant valoir que la mise du Parquet général hors tutelle du ministère de la Justice s’inscrit dans le droit fil du nouveau texte constitutionnel. En somme, deux sons de cloche profondément éloignés. La question maintenant est de savoir si les parties adverses pourront trouver un terrain d’entente pour mettre fin à cette polémique. A en croire le ministre de la Justice, Mustapha Ramid, la tâche ne serait pas aussi facile qu’on pourrait le penser.
Ramid en réfère au roi pour trancher la polémique
Dans une interview fleuve à paraître ce week-end au quotidien Al Massae, Ramid a reconnu l’existence de ce différend tout en indiquant avoir clarifié sa position sur la question du maintien ou pas du Parquet général sous la tutelle du ministère de la Justice. Sur le point de savoir s’il est resté fidèle à son opinion favorable à l’indépendance de la justice, du temps où il était dans l’opposition, Ramid a apporté cette précision : "Je n’ai à aucun moment plaidé en faveur d’une quelconque indépendance du Parquet général. Je me sens obligé de faire cette clarification chaque fois qu’on m’attribue ce propos, que ni moi ni mon parti (NDLR : PJD) n’avions tenu", a-t-il démenti, en assurant avoir toujours défendu le maintien du Procureur général près la Cour de cassation sous la tutelle du ministère de la Justice. "Il est vrai que je me suis prononcé en faveur d’une redéfinition des rapports entre le Procureur général près la Cour de cassation et le ministre de tutelle, mais à condition que soit préservé le droit du ministre de la Justice à continuer d’émettre des instructions écrites devant être adoptées comme base par le responsable du Parquet général", explique le ministre Ramid. Seulement voilà, "après que la Haute instance pour le dialogue national sur la réforme de la Justice ait recommandé la séparation du Parquet général du ministère de la Justice, il m’était nécessaire en tant que premier responsable des travaux de cette Instance, d’adopter cette recommandation", explique le ministre, en précisant que "le dernier mot reviendra au Conseil des ministres, présidé par Sa Majesté le Roi" et puis après "aux parlementaires, députés et conseillers compris". En attendant, la polémique continue de faire rage.