Hmar ou bikhir!

Zineb Ibnouzahir.

ChroniqueDans son discours du 1er mai, Benkirane a exprimé avec véhémence son mépris envers les patriotes, ceux qui priorisent les intérêts du Maroc, qualifiant d’ignorants les Marocains que la lumière du savoir et de la connaissance, selon lui dispensée par la petite lampiote du PJD, n’aurait pas touchés de sa grâce.

Le 04/05/2025 à 12h30

En 2006, Achraf El Kouhen, Mohamed Smyej et Amine Bendriouich lançaient le slogan «Hmar ou bikhir». Plus qu’un t-shirt à message, il s’agissait d’un état d’esprit, de la naissance d’un mouvement qui revendiquait un certain anticonformisme social, le refus des étiquettes et l’acceptation de soi.

Onze ans plus tard, cet état d’esprit s’impose plus que jamais, alors que notre ancien chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane, s’est rappelé à notre bon souvenir en traitant de «hmar» et de «microbes» les partisans de la logique et très légitime «Taza avant Gaza», dans un discours prononcé le 1er mai. Autrement dit, des citoyens qui, tout en exprimant leur solidarité avec la cause palestinienne, estiment que la priorité doit aller aux intérêts nationaux, Taza étant une ville enclavée qui nécessite notre mobilisation, bien avant la lointaine Gaza. Ne dit-on pas que charité bien ordonnée commence par soi-même. Même ceux qu’il insulte comprennent pourtant parfaitement et respectent la politique étrangère du Maroc. Cette dernière, en maintenant des canaux de communication ouverts avec Israël tout en soutenant une solution à deux États, a permis au Maroc d’être le premier pays à acheminer de l’aide humanitaire à Gaza.

Être adepte de Taza avant Gaza, c’est aussi ne pas éluder la question de notre intégrité territoriale, en ne balayant pas d’un revers de la main méprisant la reconnaissance par Israël et les États-Unis de la marocanité du Sahara atlantique. Mais Benkirane et ces disciples ne s’encombrent pas de ce genre de «détails», préférant à la diplomatie de la paix les invitations lancées à une délégation du Hamas, soufflant sur les braises de la haine et instrumentalisant les souffrances d’un peuple pour mieux asseoir des discours qui tendent de plus en plus à créer une scission au sein de la société marocaine.

Alors qu’il entame un nouveau mandat à la tête d’un PJD affaibli par la perte de 20.000 membres, ce vieux briscard de la politique estime paradoxalement que les patriotes, ceux qui font passer les intérêts du Maroc en premier, méritent l’opprobre et le dédain. Il ponctue son discours d’insultes à l’égard de ces Marocains qu’il relègue au rang d’ignorants, sous-entendant que la lumière du savoir et de la connaissance dispensée par la modeste lanterne du PJD leur aurait échappé.

La chose n’est pas anodine mais elle est malheureusement habituelle. Ce n’est pas la première fois que Si Benkirane se permet d’insulter ses compatriotes en se méprenant visiblement sur les droits que lui confère son statut. Artistes, journalistes, politiciens, militants, citoyens, personne n’échappe à la vulgarité de celui dont la place n’est plus à la tête d’un parti politique mais dans une maison de retraite.

Mais dans ce discours de trop, Benkirane va aussi franchir une ligne rouge et se livrer à des propos profondément antisémites en nous gratifiant de son éclairage savant sur les relations entre juifs et musulmans. «Nous n’avons aucun problème avec les juifs, c’est eux qui ont un problème avec nous. Ce n’est pas moi qui ai dit cela, c’est Dieu qui l’a dit» déclare-t-il ainsi. Une tentative grossière d’instrumentaliser la religion à des fins politiques —essence même de l’idéologie islamiste— d’autant plus choquante dans la bouche d’un homme politique pour qui l’art de la sémantique fait partie de la panoplie d’orateur. Cela est d’autant plus grave que Benkirane tient ces propos quelques semaines à peine après que des propos antisémites à l’encontre de certains de nos compatriotes de confession juive, principalement André Azoulay, conseiller du Roi Mohammed VI, ont été scandés par des manifestants lors de regroupements en soutien à la cause palestinienne.

Les propos de Benkirane ne sont pas dignes d’un dirigeant politique et n’ont pas place sur la scène politique de notre pays. Un pays dont la constitution rappelle que «le Royaume du Maroc entend préserver, dans sa plénitude et sa diversité, son identité nationale une et indivisible» et que «son unité, forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, s’est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen».

Avec ce dérapage de plus, Benkirane justifie une fois de plus la déculottée subie par son parti aux dernières élections, et dont il fut à la fois l’artisan et le symbole. Il nous rappelle aussi à quel point la politique est l’affaire de tous et que nous devons rejeter en bloc de tels propos ignobles et méprisables. Car c’est bien au royaume des aveugles que les borgnes sont rois. Le mot de la fin revient à Michel Audiard au nom de tous les microbes et les hmir du Maroc: «Les cons ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnait».

Par Zineb Ibnouzahir
Le 04/05/2025 à 12h30