En pleine crise entre le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, et les autorités marocaines, Muhammadu Buhari, élu nouveau président de la république du Nigeria le 15 mars 2015, en remplacement de Jonathan Goodluck, a tenu à marquer son soutien au mouvement séparatiste du Polisario. Et pourtant, l’élection de cet ex-général de confession musulmane avait suscité à Rabat l’espoir d’un changement de position d’Abuja sur le conflit saharien.
Il n’en est rien. A part -et c’est contraire à toutes les prévisions- le nouveau président Buhari s’est révélé être un farouche partisan de la thèse indépendantiste du Polisario. Un soutien inconditionnel et surtout «non calculé» quand on sait que l’intégrité territoriale de la république du Nigéria, premier producteur de pétrole en Afrique, est menacée par une scission de sa région orientale, en l’occurrence le Biafra, qui s’est déjà autoproclamé «République du Biafra».
Résumons: Abuja veut bien soutenir le «droit du peuple sahraoui à l’autodétermination» mais ne veut pas reconnaître ce même droit au peuple du Biafra, qui a été victime d’un génocide lors de la guerre civile nigériane (6 janvier 1967-15 janvier 1970).
Tout bien considéré, le paradoxe de la position d’Abuja est criard. Et il n’a pas manqué d’être relevé par le prestigieux quotidien nigérian «NewTelegraph», dans une récente interview réalisée avec le conseiller du président Buhari à la communication, Mallam Gabra Shehu.
«Le président Buhari s’oppose au mouvement sécessionniste du Biafra mais soutient, de facto, le «droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. Pourquoi, alors?», se demande le quotidien nigérian, dans une question au conseiller du président Buhari.
«Entreprendre une comparaison entre le Sahara occidental et le Biafra, reviendrait à pécher par un déficit de connaissances en politique extérieure», estime le conseiller du président Buhari, Mallam Gabra Shehu.
«D’abord, la question du Sahara occidental est à inscrire dans le processus de décolonisation. C’est la dernière colonie du continent africain et il nous incombe à nous tous d’œuvrer pour sa libération», a-t-il soutenu, rappelant que «dans les faits, Buhari avait été le premier à reconnaître le Sahara occidental du temps même où il était encore général, et donc bien avant que le reste de l’Afrique ne le suive sur cette lancée». Qu’en est-il, alors, de la «République du Biafra»? «Biafra milite pour une séparation de la République fédérale du Nigéria», argue le conseiller du président Buhari, qui trouve que « les deux scénarios sont clairement différents».
«Clairement», dites-vous ? Une chose est sûre: à y regarder de près, son excellence Mallam Gabra Shehu, -évidemment, la voix de son maître-, péche non par un «déficit de connaissances» mais par une ignorance déconcertante de l’histoire même de son pays, à plus forte raison celle du conflit saharien. Rappelons-lui que le peuple du Biafra a fait l’objet du plus grand génocide qu’ait jamais connu l’Afrique, voire le monde entier, sachant que la répression sanglante de ce peuple par l’armée nigérienne, dont Muhammadu Buhari était l’un des meneurs, tuant (excusez du peu) pas moins de deux millions de civils dont le seul «délit» est d’avoir revendiqué leur identité et leur droit de s’autogérer en tant que peuple.
Un génocide d’une grande ampleur et d’une cruauté sans faille, puisque l’armée nigériane a utilisé aussi l’arme de la «faim» pour mettre au pas un peuple inoffensif, en l’occurrence celui du Biafra. Le choc de l’opinion internationale a été tel que des voix se sont élevées au sein des Nations Unies revendiquant le «droit d’ingérence humanitaire» pour venir en aide au peuple du Biafra. Rappelons aussi à son excellence le conseiller du président Buhari que ce génocide avait eu pour conséquence la création de l’ONG Médecins Sans Frontières.
Que monsieur Buhari continue de s’opposer bec et ongles aux droits du peuple du Biafra, cela ne serait pas étonnant. Il est un haut gradé de l’armée nigériane, celle-là même qui a été à l’origine du génocide. Mais ce qui est étonnant, c’est que ce même Muhammadu Buhari puisse se faire l’avocat de la plus grosse imposture qu’ait jamais connue le monde: la «RASD»!