Depuis sa sortie de prison, mercredi 3 février, l’étudiant hirakiste de 25 ans, Walid Nekkiche, très sollicité par les médias locaux et internationaux, raconte en boucle l’horreur qu’il a vécue, lors de son transfert à la caserne Ben Aknoun, relevant des renseignements intérieurs de l’armée algérienne.
Dans sa plus récente interview, parue samedi dernier dans les colonnes du quotidien algérien «Liberté» et reprise dimanche soir par des agences internationales, Walid Nekkiche affirme avoir été maltraité par les tortionnaires des services de sécurité relevant de l’armée algérienne.
«J'ai vécu l'enfer… J'ai beaucoup enduré durant ces quatorze mois de prison et surtout les six jours passés à la caserne Ben Aknoun», connue sous le nom de «Centre Antar», à Alger, témoigne Walid Nekkiche, arrêté en novembre 2019 lors de l’une des manifestations antirégime organisées chaque mardi par les étudiants.
Face à l'indignation générale que l’affaire Walid Nekkiche a suscitée en Algérie et au-delà, le régime militaire s’est empressé d’activer ses relais médiatiques pour pointer un doigt accusateur sur un coupable idéal.
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Ainsi, si certaines voix, proches du pouvoir, ont proposé de renvoyer du gouvernement l’actuel ministre de la Justice, Belkacem Zegmati, en guise de parade pour calmer la colère de l’opinion algérienne. De nombreux journalistes «aux ordres» ont tenté de déculpabiliser l’armée en affirmant que Walid Nekkiche a été torturé dans un commissariat, et que c’est donc la police qui doit rendre des comptes.Un autre journal, proche du revenant Khaled Nezzar, a trouvé le parfait bouc émissaire pour lui faire endosser, seul, la responsabilité du viol et de la torture de Walid Nekkiche: le général Wassini Bouazza, ex-puissant patron de la sécurité intérieure (DGSI) sous l’ère du général Ahmed Gaïd Salah. Wassini Bouazza est aujourd’hui en prison, et comme il n’est pas en mesure de se défendre, c’est bien de lui faire endosser la responsabilité de la pratique de la torture.
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Mais quand bien même les actes de torture et d’agression sexuelle se seraient déroulés, alors que Wassini Bouazza était en poste, cela ne dédouane guère l’armée algérienne, ni son chef d’état-major, Saïd Chengriha, et encore moins le chef suprême des forces armées et ministre de la Défense, le Président Abdelmadjid Tebboune. La chaîne de commandement de l’armée algérienne est responsable des actes de tortures perpétrés dans de sinistres casernes.D’ailleurs, Wassini Bouazza est en prison depuis mi-avril 2020, alors que lundi 1er février 2021, le procureur du tribunal de Dar El Beida à Alger avait requis la réclusion à perpétuité contre Walid Nekkiche, poursuivi pour «complot contre l'Etat», «atteinte à l'intégrité du territoire national» et «incitation de la population à prendre les armes», des chefs d'accusation très graves, et qui n’auraient pu être mis en avant sans une décision politique qui émane peut-être du successeur de Bouazza, Abdelghani Rachedi.
Alors que l’armée algérienne est embourbée jusqu'au cou dans ce scandale de torture et d’agression sexuelle, le porte-voix de cette institution, la revue mensuelle «El Djeich», a consacré un article (dans son n° 691 de février 2021) aux prétendues violations des droits de l'Homme au sud du Maroc.
Selon la revue de l’armée algérienne, la «reprise des combats», en allusion à la guerre fictive que le Polisario dit mener depuis maintenant 90 jours, aurait poussé le Maroc à lancer «des campagnes de répression barbares»… et forcément fictives elles aussi.
Donc, d’un côté, l’ANP torture et agresse sexuellement les citoyens sur le sol algérien, et de l’autre, elle appelle au respect des droits de l’Homme au Maroc. Si seulement cette armée pouvait pratiquer, en Algérie, les violations des droits de l’Homme qu’elle dénonce au Sahara occidental, cela aurait fait longtemps qu’elle eut été éjectée du pouvoir par un peuple qui s’époumone à crier: «Un Etat civil, pas militaire».