Il semblerait que le Maroc se prépare à superviser, de nouveau, le dialogue entre les antagonistes libyens sur la base de l’accord de Skhirat, tout en tenant compte des nouveaux développements de la crise libyenne. La rencontre du ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, avec l’émissaire du président du parlement libyen, Abdelhadi Lahouij, l’allié du Général Haftar, à Rabat, samedi dernier, constitue un signal fort du retour du royaume dans la recherche d’une solution à ce conflit. Cette rencontre est la deuxième entre les deux hommes après celle qui les a réunis au Congo, la semaine dernière, lors de la réunion de la commission de haut niveau de l’UA sur la Libye. Un communiqué du ministère des Affaires étrangères a tenu, toutefois, à préciser que le Maroc avait reçu Abdelhadi Lahouij en tant qu’émissaire du président du parlement et non en sa qualité de ministre des Affaires étrangères du gouvernement de Tobrouk.
Le quotidien Akhbar Al Youm rapporte, dans son édition du lundi 10 février, qu’en faisant cette précision, le Maroc rappelle qu’il considère toujours le gouvernement de Tripoli, dirigé par Fayez Al-Sarraj, comme étant le gouvernement légitime reconnu par la communauté internationale. Le même communiqué indique que l’émissaire libyen a salué l’accord de Skhirat et loué les efforts déployés par le Maroc pour mettre fin à la crise libyenne. Du coup, il a exhorté le royaume à continuer à jouer son rôle au niveau maghrébin, méditerranéen et africain pour trouver une solution à cette crise.
A la fin de l’entretien avec Abdelhadi Lahouij, un deuxième communiqué du ministère des Affaires étrangères a souligné que le ministre Bourita avait eu un entretien téléphonique avec le président du Haut conseil d’Etat libyen, Khaled Mechri, au cours duquel ils ont évoqué les derniers développements en Libye. Dans une déclaration au site officiel du ministère des Affaires étrangères, Mechri a réaffirmé son attachement à l’accord de Skhirat et s’est dit heureux à l’idée que le Maroc puisse accueillir pour la deuxième fois le dialogue libyen. Les derniers développements montrent que les antagonistes libyens veulent que la Maroc accueille un nouveau round de dialogue sur la base de l’accord de Skhirat, qu’ils considèrent comme la référence juridique à toute solution politique de la crise. Ce faisant, le rôle du Maroc sera plus consistant, d’abord de par la référence juridique qui caractérise l’accord de Skhirat et, ensuite, de par les difficultés que rencontre l’accord de Berlin qui a n’a pas réussi à transformer la trêve actuelle en un cessez-le-feu durable.
Le quotidien Al Ahdath Al Maghribia, qui fait la même analyse dans son édition du lundi, indique que l’émissaire libyen a qualifié «l’accord de Skhirat d’excellent, tout en regrettant que ses dispositions n’aient pas été mises en œuvre. Le parlement libyen acceptera toute solution qui débouchera sur un Etat citoyen et de droits de l'Homme sans anarchie, ni armes, ni milices ou terrorisme». Par ailleurs, Le ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères, Mohcine Jazouli, a déclaré, samedi dernier à Addis-Abeba, que l’accord politique de Skhirat de 2015 constituait une référence pour arriver à une solution de la crise libyenne.
Lors d’une réunion de haut niveau du Conseil de paix et de sécurité de l’UA, Jazouli a souligné que «l’accord de Skhirat était une référence permettant d’assimiler la nouvelle donne et de trouver une solution pour mettre fin aux affrontements mais, aussi, pour enterrer les conflits passés afin d’unifier les forces armées libyennes». Devant un parterre de chefs d’Etat dont les présidents de l’Egypte (Sissi), du Congo (Sasso Nguisso), de Djibouti (Ismael Omar), ainsi que le secrétaire général de l’ONU (Antonio Guterres), Jazouli a bien choisi ses mots pour déterrer l’accord de Skhirat et enterrer l’accord de Berlin en affirmant: «L’accord de Skhirat, qui a été salué par les organisations régionales et internationales, n’est pas la résultante de rencontres diplomatiques, mais le fruit de longues discussions entre libyens eux-mêmes».