La révélation sort de la bouche de Chakib Khalil, ancien patron de la Sonatrach (60% des recettes de l’Etat algérien), et elle vient d’être rapportée par la chaîne de télévision Dzaïr News. «L’Algérie versait 90 millions de dollars par an à la Mauritanie pour l’entretien d’une raffinerie» !, dévoile Chakib Khalil, affirmant avoir «arrêté, dès sa prise de fonction à la tête du ministère de l’Energie et des mines, en 1999, le versement de cette somme qui ne servait aucunement les intérêts de l’Algérie».
Tous comptes faits, voilà ce que cela donne : près de 900 millions de dirhams ! L’entretien d’une raffinerie, fut-elle construite sous les eaux nationales mauritaniennes, nécessiterait-il une telle somme faramineuse versée, précisons-le, chaque année, sur les comptes des autorités de Nouakchott ?
Il faut préciser que la capacité de raffinage de cette unité s’élève à seulement 1 million de tonnes de brut. Le coût global de construction de cette raffinerie s’élève à 160 millions de dollars, alors que son entretien annuel est de 90 millions de dollars. De quoi défier toutes les logiques de l’entrepreunariat. A l’arrêt depuis la suspension de «l’aide» algérienne, la fameuse raffinerie s’est transformée en unité de stockage.
Chakib Khalil, interviewé par Dzair News le 20 avril 2016
Remarquons que c’est la première fois qu’un haut commis de l’Algérie, qui plus est ancien patron de Sonatrach (Caisse noire de l’Etat algérien), et ancien ministre de Bouteflika dès son investiture en 1999 et jusqu’à 2010, fait une révélation chiffrée sur la destination des recettes de la Sonatrach, depuis la nationalisation de ce géant pétrolier par l’Algérie de Houari Boumediene en 1970.
Ce chiffre étant connu, surgit la question : si Alger octroyait annuellement 90 millions de dollars rien que pour l’entretien d’une petite raffinerie en Mauritanie, existe-t-il d’autres projets qui bénéficient en Afrique d’une manne financière aussi considérable ? Est-ce que cette façon de financer des coquilles vides constitue-t-elle un mode opératoire du régime algérien en direction des pays africains ?
Rappelez-vous : en novembre 2015, le patron du FLN, Ammar Saâdani, avait prêté le flanc à une véritable volée de bois vert de la part des relais des services algériens pour avoir seulement fait une insinuation au sujet du coût du conflit saharien pour le contribuable algérien. «J’ai des choses à dire sur cette affaire, mais je ne le dirais pas de crainte d’entraîner le pays dans une autre voie», a-t-il dit en substance, laissant entendre que le dévoilement d’une part de vérité sur cette question pourrait sortir le peuple algérien dans la rue. Une éventualité d’autant plus probable que, comme l’a bien précisé le président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Saïd Saâdi, candidat potentiel avec Chakib Khalil, à la présidentielle de 2019, «le peuple algérien n’est point intéressé par le conflit» du Sahara.
Le témoignage inédit et on ne peut shocking de la part de Chakib Khalil, ami d’enfance (et de toujours) du président Bouteflika, - n’est-ce pas grâce à Bouteflika qu’il doit son retour, en mars dernier, en Algérie, après trois ans de fuite aux Etats-Unis pour se soustraire à une poursuite pour corruption engagée par l’ex-patron du DRS, Mohamed Lamine Mediene ? Mais il faut préciser que ce témoignage ne concerne que la période pré-Bouteflika, Chakib Khalil ayant éludé les contributions bien plus généreuses octroyées par ce dernier aux dignitaires africains moyennant, évidemment, leur soutien à la thèse séparatiste.
Achat des soutiens africains à la «RASD»: autant en emporte le vent
Si Alger octroyait près de 900 millions de dirhams rien que pour l’entretien d’une raffinerie en Mauritanie, qu’en est-il des autres pays africains, pour ne pas parler d’Amérique Latine ? Quand on sait que la question est classée «secret d’Etat», frappée du sceau d’interdiction, au point qu’aucun membre de la nomenklatura algérienne, à plus forte raison le citoyen lambda, ne l’aborde, les données restent très chiches mais assez révélatrices des pratiques peu amènes d’un régime qui a mis un point d’honneur à nuire aux intérêts suprêmes du royaume du Maroc.
Les données jusqu’ici disponibles indiquent que de 1999, date de l’arrivée au pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika, à 2013, veille de l’actuelle crise pétrolière, l’Algérie a engrangé entre 800 et 1000 milliards de dollars de revenus tirés des hydrocarbures. Des entrées qui, tout bien considéré, n’ont surtout pas profité au citoyen algérien (12% de chômage), pas plus d’ailleurs qu’ils n’ont été investis dans des projets structurants qui, quand bien même ils existeraient, sous forme d’infrastructures, sont ou bien surfacturés ou ayant fait l’objet de triche et de fraude, comme l’illustrent les ratés pharaoniques de la Mosquée Bouteflika à Alger (1 milliard et demi de dollars) !
Mais passons, car «l’enjeu» est ailleurs. Alger s’est jetée à fonds perdus, depuis 1975, dans le financement de l’entreprise séparatiste en versant, aux frais du contribuable algérien, sur les comptes de la bande à Mohamed Abdelaziz, pas moins de 300 milliards de dollars. Quant à cette contribution qui n’a jamais réellement profité à la population retenue à Tindouf, livrée en proie à la charité-business (mendicité de l’aide internationale), il faut ajouter l’action de lobbying menée indéfiniment auprès des pays africains et latino-américains, ou plus encore auprès des groupes d’intérêts américains et européens, l’on comprendrait aisément pourquoi l’Algérie sous Bouteflika, celle-là même qui a consenti en 2012 au Fonds monétaire international (FMI) un prêt de 5 milliards de dollars, a lancé le 17 avril courant un emprunt obligataire. Elle n’en a d’ailleurs pas le choix, au regard de l’assèchement du Fonds de régulation de recettes (fonds stratégique) qui comptait, pas plus tard qu’en 2014, veille du plongeon des cours de pétrole, pas moins de 200 milliards de dollars.
Devant cette panne sèche annoncée, aiguillonnée par la vacance institutionnelle (le président Bouteflika évacué, hier dimanche 24 avril, vers un hôpital suisse pour un énième contrôle médical), Alger mobilise encore des fonds faramineux dans la tentative d’impacter la résolution du Conseil de sécurité sur le Sahara, attendue à la fin de ce mois d’avril. Ce pays initie et finance des études de la part d’organismes européens à la seule fin de montrer que le Maroc ne respecte pas les droits de l’Homme dans le Sahara ou qu’il se livre au «pillage» des richesses locales. La dernière étude commandée a été livrée il y a trois jours (le même mois que la résolution du Conseil de sécurité) par la dernière édition de la revue britannique «The Journal of North African Studies». Une étude réalisée par la présidente de Western Sahara Ressource Watch (WSRW), Joanna Allan, qui souligne que «le peuple sahraoui souffre, alors que sa richesse est dépouillée par des firmes complices avec l’occupant marocain».
Un acharnement anti-marocain hystérique de la part d’Alger, quitte à hypothéquer l’avenir de son peuple auprès des institutions financières internationales au profit d’une bande séparatiste en rupture de ban et de régimes africains dont les positions sur la question saharienne fluctuent au gré des commissions sonnantes et trébuchantes octroyées par le DRS et le département de Ramtane Lamamra.
Le montant dévoilé par Chakib Khalil, quoique astronomique, risque de paraître dérisoire eu égard à la campagne diplomatique menée actuellement par Alger dans les couloirs de l’entité africaine (UA) et des Nations unies. Une question demeure : dans sa rage contre le Maroc, est-ce que Alger pense à la réaction du peuple algérien quand il apprendrait que le régime en place le dépouille de dizaines de milliards de dollars pour les dilapider dans une cause qui ne le touche ni de près ni de loin ?