Cannabis: le pari réussi pour une filière régulée et rentable

Khalil Essalak/Le360

Revue de presseEn deux ans, le Royaume a amorcé une transformation inédite: passer d’une culture clandestine du cannabis à une filière légale, encadrée et rentable. À travers une régulation stricte et un accompagnement des petits producteurs, le Royaume se positionne comme acteur pionnier en Afrique, et au-delà, dans le reste du monde. Cet article est une revue de presse tirée du quotidien Jeune Afrique.

Le 21/07/2025 à 18h05

En l’espace de deux ans, le Royaume s’est imposé comme pionnier de la régulation du cannabis dans la région MENA.

C’est ce que relève le magazine Jeune Afrique, dans un focus dédié à la filière.

Tout est parti de la décision de l’ONU, fin 2020, de reconnaître les usages médicaux et industriels du cannabis.

Dans la foulée, le Royaume a adopté la loi 13.21 en août 2021 et mis en place un arsenal réglementaire dès 2022.

Le texte définit neuf activités autorisées, de l’importation des semences à la commercialisation de produits finis, en passant par la création de pépinières et la transformation industrielle.

À la manœuvre, Mohamed El Guerrouj, ingénieur agronome et ancien gouverneur, qui dirige l’Agence nationale de réglementation des activités relatives au cannabis (ANRAC) depuis septembre 2022, poste confirmé en 2023.

La production reste strictement limitée aux trois provinces historiques du kif (Chefchaouen, Al Hoceïma et Taounat) et vise à intégrer les petits producteurs, longtemps marginalisés.

Dans ses thermes, la loi interdit d’ailleurs toute extension de la superficie cultivée afin de prévenir les dérives.

Pour cultiver légalement, un agriculteur doit prouver sa résidence locale, disposer d’un titre foncier ou d’un bail d’au moins cinq ans, et intégrer une coopérative liée à un opérateur industriel agréé.

L’idée: structurer la filière et protéger les cultivateurs d’éventuels abus. Le dispositif s’appuie sur un contrôle strict, explique Jeune Afrique. Semences certifiées, registres détaillés, drones de surveillance et géolocalisation de chaque parcelle…Tout y est.

Près de 95% des procédures sont désormais digitalisées, de la graine au produit fini. Même le transport est sous haute surveillance avec véhicules équipés de GPS, trajets autorisés à l’avance et cargaisons saisies en cas d’infraction.

L’industrie du cannabis marocain se développe sur deux axes, pharmaceutique et industriel.

Le taux de THC est limité à 1% (0,3 % pour les compléments alimentaires et zéro pour les cosmétiques).

Plusieurs produits marocains sont déjà commercialisés à l’international, et des recherches explorent de nouvelles applications, comme pour l’alimentation, le textile, la construction ou la plasturgie.

Seules les sociétés marocaines peuvent commercialiser ces produits, après validation d’un comité interministériel piloté par l’ANRAC. Les laboratoires, au nombre de sept, sont supervisés par l’Institut criminalistique de la gendarmerie pour garantir la conformité des lots exportés dans le reste du monde, notamment vers l’Europe et l’Amérique du Nord.

Avec des coûts de production maîtrisés (55.000 à 60.000 dirhams/hectare) et des prix garantis (75 dirhams/kg pour la plante verte, 50 dirhams/kg pour la sèche), la filière offre une alternative attractive au marché clandestin.

Chaque hectare génère en moyenne sept emplois permanents.

À Ketama, haut lieu historique de la culture du kif, la dynamique est éloquente, souligne Jeune Afrique.

De 25 hectares légaux en 2023, la superficie est passée à 1.200 hectares deux ans plus tard, impliquant 1.500 agriculteurs.

L’adhésion s’est accélérée après la grâce royale du 20 août 2024, qui a concerné plus de 4.800 personnes poursuivies ou condamnées pour culture illégale, écrit-on.

L’inclusion des femmes progresse aussi. Elles représentent aujourd’hui 8,2% des agriculteurs agréés.

La loi marocaine reste ferme: aucune tolérance pour l’usage dit «récréatif». «C’est même un gage de crédibilité pour notre filière médicale et industrielle», insiste Mohamed El Guerrouj, cité par le magazine.

Seule une utilisation thérapeutique, encadrée comme en Allemagne, pourrait exister dans des conditions strictes avec ordonnance médicale, suivi, production tracée et livraison contrôlée.

Mais, pour l’heure, aucun débat n’est engagé sur ce terrain dans le Royaume.

Par La Rédaction
Le 21/07/2025 à 18h05