Ce report a été décidé pour permettre à la défense de prendre connaissance du dossier, a appris Le360.
Abdelali Hamieddine, un des dirigeants du PJD (Parti de la Justice et du Développement -coalition gouvernementale), est poursuivi pour le meurtre de Benaïssa Aït El Jid, étudiant d'extrême-gauche assassiné en 1993 à Fès, non loin du campus de Dhar El Mehraz.
Ce procès a été entamé après réouverture de ce dossier, ce mardi à la Cour d'appel de Fès, alors qu'un important dispositif de sécurité a été prévu pour l'ouverture de l'audience, dans le but d'éviter tout affrontement entre des membres de la famille Aït El Jid et des militants du PJD.
L'ancien chef du gouvernement et ex-secrétaire général du PJD, Abdelilah Benkirane, a tenu à venir assister à l'ouverture de ce procès, apportant ainsi son soutien à Hamieddine.
Le bureau politique du PJD a cependant donné des consignes claires à ses membres, interdisant aux ministres issus de ce parti d'assister au procès. Son secrétaire général, Saâd Eddine El Othmani, chef du gouvernement, a toutefois constitué une commission de suivi de ce procès. Celle-ci est composée de Mustapha Ramid, ministre d'Etat chargé des Droits de l'homme et de Driss Azami El Idrissi, président du groupe parlementaire du PJD.
Lire aussi : Le PJD interdit à ses ministres d’assister au procès d’Abdelali Hamieddine
La réouverture du dossier de Hamieddine a suscité un tollé dans les rangs du PJD, dont certains ténors n'ont pas hésité à hausser le ton, au risque de porter atteinte à l'indépendance de la Justice. On s'en souvient, lundi 10 decembre dernier, dans un post publié sur Facebook, Mustapha Ramid avait réagi avec virulence contre la décision du juge d'instruction de la cour d'appel de Fès de déférer Abdelali Hamieddine devant cette chambre criminelle.
Pour Ramid, en effet, le concerné "avait déjà été jugé dans l'affaire en 1993, et condamné, avant d'être innocenté, la Justice ayant requalifié les actes dont il s'était rendu coupable", de "dispute ayant entraîné la mort". Or, d'après Ramid, "on ne peut juger la même personne deux fois pour les mêmes faits, une fois qu'un jugement définitif est prononcé".
Mustapha Ramid a invoqué, pour étayer ses dires sur un réseau social, la Convention internationale des droits civiques et politiques. "Un tel procédé n'honore guère notre pays et sert avant tout le nihilisme qui se donne, ainsi, la preuve d'avoir raison", avait-il alors écrit. "Autant je suis en colère contre une telle bêtise, autant j'espère qu'une telle déviation va cesser lors de la prochaine étape judiciaire", avait conclu le ministre, manifestement oublieux du devoir de réserve inhérent à sa fonction...
Mais bien mal lui en avait pris. Tout le corps de la magistrature s'est entre-temps, indigné contre ces déclarations, au nom de l'indépendance de la Justice.
Lire aussi : Affaire Hamieddine: après Ramid, El Othmani s'en prend à la justice
En effet, si Abdelali Hamieddine avait effectivement été jugé, et condamné à deux ans de prison ferme, puis innocenté dans un premier temps, ce le fut sur la base d'un délit. Le scénario retenu par le juge, au moment des faits, était celui d'une rixe entre étudiants islamistes, dont Hamieddine, et des miltants d'extrême-gauche, dont faisait partie Benaïssa Aït El Jid, l’étudiant assassiné près de la faculté de droit Dar El Mehrez de Fès.
La famille du défunt n'avait jamais cru à une telle version, et n'a jamais cessé de batailler poir que justice soit rendue. Jusqu'à cette année 2018, où un témoin oculaire a fait surface.
Le témoin en question affirme avoir vu Abdelali Hamieddine, éminent membre du PJD, à nouveau devant la justice en 2018, non pas se défendre, mais bloquer par son pied la victime, à terre, alors qu'un autre la rouait de coups… à l'aide d'un pavé.
Vingt-cinq ans plus tard, à la justice, et aux hommes de loi qui prononcent ses décisions, ou la défendent, de se prononcer.