Vendredi 23 juin, dans un amphithéâtre archi-comble du prestigieux institut de «Sciences Po» à Paris, Antonio Guterres a affirmé que le Sahara occidental a été décolonisé pacifiquement en 1975, alors que le Polisario était encore inconnu. La presse algérienne crie à une «volte-face» du chef de l’ONU.
En marge de sa venue à Paris, où il a pris part au récent «Sommet sur le climat pour un pacte financier mondial» (22-23 juin), Antonio Guterres, Secrétaire général de l’ONU, a été également l’invité de l’Institut de Sciences politiques à Paris. Face à un aéropage de professeurs et leurs étudiants issus des quatre coins du monde et qui poursuivent leur cursus dans ce haut lieu de la formation pointue, d’où sont sortis de nombreux décideurs de ce monde, Guterres a partagé avec son auditoire, pendant plus d’une heure, ses convictions et visions sur les questions internationales de l’heure, dont celle du différend créé autour du Sahara marocain.
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L’étudiante qui l’a interpellé sur le Sahara semble bien au fait de l’évolution de ce dossier, car elle s’est étonnée que du moment qu’il y a depuis 2007 une proposition d’autonomie au Sahara sous souveraineté marocaine, respectant parfaitement toutes les résolutions de l’ONU et soutenue par de nombreux pays la jugeant comme sérieuse et crédible, l’ONU semble traîner du pied et bloquer toute solution. Antonio Guterres lui a diplomatiquement répondu que n’est pas l’ONU qui est derrière le blocage de la mise en œuvre de la solution à ce conflit, mais, a-t-il dit, «ce problème est bloqué par ceux qui bloquent», dans une allusion claire à l’Algérie et ses protégés séparatistes.
Guterres ajoute que le Sahara a été décolonisé en 1975 suite à un accord tripartite entre l’Espagne, le Maroc et la Mauritanie. Ce n’est, en effet, qu’après cette décolonisation que le Polisario a été sorti de nulle part par l’Algérie de Houari Boumediene et la Lybie de Mouammar Kadhafi. En affirmant qu’au moment de quitter le Sahara atlantique, l’Espagne avait laissé le dossier entre les mains du Maroc et de la Mauritanie, Antonio Guterres n’a fait que dire tout haut ce que tout le monde sait: le Polisario est un artefact dont l’avènement est postérieur à la décolonisation du Sahara occidental.
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Le SG de l’ONU et son interlocutrice de «Sciences Po» de Paris semblent s’accorder sur le topo actuel du dossier. D’un côté, le Maroc a proposé une solution qui a le mérite de répondre aux intérêts de toutes les parties et que le Conseil de sécurité a soutenue à travers toutes ses dernières résolutions prônant une solution politique et réaliste. De l’autre, l’Algérie et le Polisario s’en tiennent à un référendum d’autodétermination que l’ONU a essayé un moment de mettre en pratique, avant de l’abandonner définitivement en reconnaissant qu’il est irréalisable.
D’ailleurs, Antonio Guterres a lui-même écarté toute possibilité de retour à la piste du référendum d’autodétermination, en expliquant que la MINURSO a pour rôle de veiller au respect du cessez le feu de 1991. Même si ce dernier a été violé par le Polisario, chassé définitivement d’El Guerguerat en novembre 2020, Guterres estime que le conflit actuel est considéré par l’ONU comme étant «de basse intensité».
De la bouche même du SG de l’ONU, la mission de la Minurso consiste uniquement à veiller sur le respect du cessez le feu et non pas sur l’organisation d’un impossible référendum dont seuls l’Algérie et son enfant illégitime se souviennent encore.
Cette sortie d’Antonio Guterres a bien évidemment mis la presse algérienne dans tous ses états. «Le secrétaire général des Nations Unies, le portugais Antonio Guterres, maîtrise-t-il le dossier de décolonisation du Sahara Occidental, ou bien a-t-il rejoint la thèse de l’occupant marocain?», a cru s’interroger un site algérien, aigri de ne pas avoir entendu le SG de l’ONU faire la moindre référence aux slogans creux de la propagande algérienne habituelle, figée depuis 1975, voire bien avant. De quelle «volte-face» accuse-t-on Guterres qui, contrairement à ses prédécesseurs au palais de verre de Manhattan, a eu l’occasion de bien connaître, en homme de terrain, le dossier du Sahara.
Durant les dix années (2005-2015) au cours desquelles il a dirigé le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) suite à sa nomination par le Ghanéen Kofi Annan, alors SG des Nations unies, et sa reconduction en 2010 par le sud-coréen Ban ki-Moon, Guterres a toujours eu des doutes sur le nombre exact des Sahraouis et leur origine. C’est pourquoi il a eu maille à partir avec l’Algérie, en 2009, quand cette dernière lui a enjoint pour la énième fois de démultiplier l’aide internationale aux habitants des camps de Tindouf.
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Une aide qui va bien évidement être détournée et servir de fonds de commerce aux dirigeants séparatistes et aux généraux algériensGuterres a tenté par tous les moyens, mais en vain, de convaincre les Algériens de procéder d’abord à un recensement des habitants des camps de Tindouf en vue de permettre au HCR d’y mener ses interventions avec efficacité.
Le 11 septembre 2009, il a mis à nu, lors d’une escale à Rabat, ce désaccord profond entre l’UNHCR et l’Algérie. «Nous avons reçu de l’Algérie une indication selon laquelle l’aide (humanitaire onusienne, Ndlr) n’est pas suffisante et nous avons dit qu’il fallait faire un recensement… L’Algérie n’a pas accepté et nous n’avons pas changé nos estimations», a affirmé Guterres. En effet le HCR sous Guterres a estimé que les Sahraouis de Tindouf sont très en deçà de 165.000 personnes, chiffre avancé par l’Algérie.
Ce constant refus algérien d’accepter un recensement des Sahraouis des camps de Tindouf continue jusqu’au jour d’aujourd’hui en dépit des pressants rappels du Conseil de sécurité. Peut-être que Guterres aura plus de chance à se faire entendre par l’Algérie maintenant que ce pays fête comme un exploit inédit sa très ordinaire et très attendue élection comme membre non-permanent au Conseil de sécurité.
Le régime algérien claironne qu’il va tout mettre en œuvre pour étayer la paix dans le monde et aider le SG de l’ONU dans ses missions. Il devrait commencer par autoriser le recensement des réfugiés des camps de Tindouf dont il fait un fonds de commerce.