Année 2024: quel bilan diplomatique pour l’Algérie?

Bernard Lugan.

ChroniqueEn 2024, l’Algérie a connu une année diplomatique difficile, marquée par des échecs à répétition autour de la question du Sahara et un soutien international grandissant au plan d’autonomie marocain. Ses relations avec le Mali se sont détériorées et, au Sahel et en Libye, ses intérêts se sont heurtés à ceux de son allié historique russe. Enfin, l’emprisonnement de l’écrivain Boualem Sansal a considérablement terni l’image internationale du régime d’Alger.

Le 31/12/2024 à 11h00

Pour l’Algérie, le bilan diplomatique de l’année 2024 est sombre. En 2024, il est en effet clairement apparu aux yeux de l’opinion mondiale que la question du Sahara dit occidental avait été créée par une Algérie enclavée dans la Méditerranée et qui, à travers le Polisario et la fiction d’une RASD, avait directement repris le plan colonial visant à donner à l’Algérie française un accès à l’océan Atlantique en coupant le Maroc de ses provinces sahariennes.

Voilà pourquoi, depuis 1975, Alger bloque toutes les tentatives de règlement de la question du Sahara dit occidental n’allant pas dans le sens d’une indépendance de ce territoire historiquement marocain, en soutenant qu’il s’agirait d’une question de décolonisation.

Or, le 23 juin 2023, lors d’un colloque à l’Institut des sciences politiques de Paris, Antonio Guterres, Secrétaire général des Nations unies, déclara que le Sahara occidental ayant été décolonisé en 1975, à la suite d’un accord tripartite entre l’Espagne, le Maroc et la Mauritanie, la question ne relevait donc pas d’un processus de décolonisation. De plus, selon lui, le blocage de la mise en œuvre de la solution à ce conflit ne relevait pas du Maroc, pays qui a proposé une solution répondant aux intérêts de toutes les parties et soutenue par le Conseil de sécurité de l’ONU à travers toutes ses dernières résolutions.

Résultat, à la fin de l’année 2024, une centaine de pays soutenaient la solution marocaine de plan d’autonomie du Sahara occidental sous souveraineté marocaine, dont 14 pays de l’UE (Espagne, France, Portugal, Allemagne, Autriche, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, Hongrie, Roumanie, Slovaquie, République tchèque, Chypre et Malte), et 28 consulats généraux étaient ouverts à Laâyoune et Dakhla.

«En emprisonnant Boualem Sansal, l’Algérie a grandement écorné son image, notamment au Parlement européen, où ses lobbyistes n’ont pas réussi à empêcher un vote à l’unanimité exigeant la libération de l’écrivain.»

En 2024, la tension est montée d’un cran entre le Mali et l’Algérie, qui partagent une frontière de 1.329 kilomètres. Bamako reproche à Alger ses liens avec les «séparatistes» touareg. Les populations touareg étant imbriquées, les évènements y agissent en effet en vases communicants. De plus, Bamako n’accepte plus que l’Algérie considère le Mali comme une sorte de dépendance.

Or, les intérêts de l’Algérie se trouvent opposés à ceux de son allié historique, la Russie, pays qui soutient la junte au pouvoir à Bamako, tout en fournissant à l’Algérie la quasi-totalité de son armement. Le 2 mai 2024, le ministre algérien des Affaires étrangères Ahmed Attaf a ainsi clairement signifié à son homologue russe, Sergueï Lavrov, que la politique de son pays au Sahel et en Libye allait contre les intérêts du sien.

En Libye également, les intérêts d’Alger se heurtent en effet à la politique de la Russie. L’Algérie, qui soutient Tripoli contre Benghazi, refuse la présence des membres de l’Africa Corps qui combattent aux côtés du maréchal Khalifa Haftar, le maître de la Cyrénaïque, dont l’hostilité à l’Algérie est forte. Appuyé par la Russie et par les Émirats arabes unis, ce dernier conteste la légitimité du gouvernement de Tripoli soutenu par Alger.

Enfin, en emprisonnant Boualem Sansal, l’Algérie a grandement écorné son image internationale, notamment au Parlement européen où ses lobbyistes n’ont pas réussi à empêcher un vote à l’unanimité exigeant la libération de l’écrivain.

En 2024, les échecs diplomatiques s’accumulant, tant dans la question du Sahara dit occidental, sur laquelle sont arc-boutés ses dirigeants, que dans celles de la gestion des crises malienne et libyenne, l’Algérie a décidé de masquer son effacement international en tentant de donner le change à travers des démonstrations de force et des discours martiaux.

Par Bernard Lugan
Le 31/12/2024 à 11h00