Aherdane tire sa révérence, un grand homme s’en va

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Revue de presseKiosque360. Le fondateur du MP, Caïd sous le protectorat et premier ministre de la Défense sous Hassan II, vient de décéder, dimanche, à l’âge de 99 ans. Plusieurs fois ministre, mais aussi artiste et homme de lettres, il a fait deux guerres et s’est éteint dans son Oulmès natal.

Le 15/11/2020 à 19h08

Il a connu trois Rois. A la fois artiste peintre, poète, romancier, homme politique et militaire, Mahjoubi Aherdane, «Zaïgh» (qu’on pourrait traduire approximativement par "l’impulsif"), s’est éteint dimanche à l’âge de 99 ans, rapporte le quotidien Al Ahdath Al Maghribia dans son édition du lundi 16 novembre. Un siècle de vie passé entre les montagnes du Moyen Atlas, le collège d’Azrou, l’académie militaire «Dar El Beida», à Meknès, d’où il est sorti officier de l’armée avant de fréquenter les hautes sphères de la politique et du pouvoir à Rabat.

Aherdane a commencé sa longue carrière de politicien et de commis de l’Etat à Oulmès, sa région natale, où il a été nommé Caïd, juste après sa sortie de l’école militaire, écrit le quotidien. Il est d’ailleurs resté fidèle à cette région où il vient justement de rendre l’âme. Gouverneur de Rabat en 1956, il a fait preuve d’un engagement précoce pour le pluralisme politique et la diversité culturelle et identitaire du Maroc depuis cette date. C’est, en effet, à cette époque, en 1957 plus précisément, qu’il a fondé avec feu Abdelkrim El Khatib le Mouvement populaire. Bien sûr, à cette époque, il était difficile de tenir tête à l’Istiqlal, parti hégémonique d’alors, qui a su asseoir son emprise aussi bien sur les élites que sur les citoyens en général, précise Al Ahdath Al Maghribia. Le MP n’a pu ainsi obtenir une reconnaissance légale que deux années après sa création, en 1959.

Avant de plonger dans la politique, Mahjoubi Aherdane a fait deux guerres. La Deuxième guerre mondiale dans les rangs de l’armée française et la guerre de Libération auprès de l’armée de libération. Depuis, il a commencé son ascension dans les arcanes du pouvoir; Caïd, puis gouverneur, puis ministre de la Défense, de 1961 jusqu’à 1964, dans le premier gouvernement formé par feu Hassan II, avant d'être ministre de l’Agriculture, puis, encore une fois, ministre de la Défense en 1966. Il a été nommé ministre des PTT dans le gouvernement dirigé par Ahmed Ousman en 1977, puis ministre chargé de la Coopération internationale dans le gouvernement de Maâti Bouabid, en 1981 et ministre d’Etat, en 1983, dans l’équipe de Mohamed Karim Amrani en tant que secrétaire général de l’une des six grandes formations qui participaient à ce gouvernement.

Aherdane a été élu, en effet, secrétaire général du MP lors de son deuxième Congrès qui s’est tenu à Marrakech en 1962. Et, souligne Al Ahdath Al Maghribia, si Aherdane voyait en son parti le défenseur du monde rural et donc des gens de modeste condition, ses adversaires voient, au contraire, dans ses positions, une consécration de «la culture de la servitude». Ce qui n’a pas manqué de lui attirer beaucoup de critiques, notamment au sein de son propre parti. Ces tensions ont d’ailleurs fini par remonter à la surface, lui coûtant son poste de secrétaire général. En effet, lors de la conférence extraordinaire du Parti du MP tenue en octobre 1986, il a été démis de ses fonctions de secrétaire général de ce parti. En juin 1991, après une longue traversée du désert, il fonde un nouveau parti qu'il nomme «Mouvement national populaire», dans lequel il occupe le poste de secrétaire général. La suite est connue: suite à la réunification en 2006 des trois composantes de la mouvance populaire, Aherdane devient président du nouveau MP. Mais depuis, il s'est peu à peu éloigné du monde politique pour se consacrer à l’art, à la poésie, à l’écriture et surtout à la défense et la promotion de son identité et de sa culture amazighe.

Par Amyne Asmlal
Le 15/11/2020 à 19h08