Au milieu d’une foule dense qui a manifesté à Alger, vendredi 19 mars dernier, Benyoucef Mellouk a exprimé devant les caméras le ras-le-bol de tout un pays.
Agé de 79 ans, l’homme est bien connu de ses concitoyens pour avoir rendu publique, en 1992, une liste de magistrats faussaires. Un acte courageux qui lui a valu de tout perdre sans pour autant renoncer à son combat, celui de toute une vie: déboulonner de leurs hauts postes ceux qui se sont inventés un passé de révolutionnaires pour s’accaparer le pouvoir, et jouir ainsi, au détriment du peuple, de rentes et de privilèges.
Près de 30 ans après avoir ouvert les yeux de ses concitoyens sur l’imposture qui impliquait des milliers de magistrats et de hauts fonctionnaires, celui qui était alors inspecteur général aux affaires sociales du ministère de la Justice, n’a pas perdu en ardeur et n’a pas changé de discours.
D’une génération à une autre, les mêmes revendications«Aujourd’hui, le peuple demande une vraie démocratie avec un changement radical» clame-t-il, porté par la foule de manifestants. «Les généraux, les magistrats, les hauts cadres de l’Etat qui s’accrochent encore» doivent écouter la voix du peuple, poursuit-il.
«Ce sont des bandits, des voleurs. Ils ont tout fait! Ils ont assassiné, ils ont fait des guerres contre leur peuple», s’écrie Benyoucef Mellouk, fait prisonnier dans les geôles de son pays pour avoir osé dénoncer les crimes commis par le régime. Pour lui, ceux qui commettent «cette injustice», doivent «rendre des comptes au peuple et à la jeune génération».
«Qu’ils partent!», les exhorte-t-il, promettant à ceux qui détiennent toujours le pouvoir qu’ils rendront des comptes «pour les 1600 milliards de dollars qu’ils ont volés, les 250.000 morts, les 24.000 disparus, les prisonniers du Hirak et les années 1990».
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Et la situation économique catastrophique dans laquelle se trouve plongée l’Algérie, le Moujahid la leur impute aussi, tout autant que le sort réservé aux jeunes générations, désabusées. «Ils ont ruiné le pays. Ce sont eux les responsables de toute cette misère, de la drogue, la corruption», énumère-t-il, jugeant au vu de l’énormité de leurs crimes, qu’«il n’y aura pas de pardon» et que «les enfants du Hirak les mettront en prison».Le péril jeuneEt de déplorer la situation déplorable des jeunes Algériens, ces «enfants (qui) se sont enfuis dans les montagnes, (qui) ont émigré clandestinement», regrette-t-il, accusant le régime de vouloir envoyer les jeunes Algériens mourir au Sahel sous l’égide de l’ancien colonisateur, la France.
«Ils nous ont taxés de terroristes, c’est très grave!», a-t-il ainsi déclaré, invitant les immigrés à «porter cela devant la Cour internationale de la Haye».
«État de droit et justice indépendante», «État civil et non militaire», «démilitarisation» du régime, «Silmiya!» («Pacfique!»), «Remettez le pouvoir au peuple!», et surtout «Istiqlal!» («Indépendance!»)… Autant de slogans hurlés par la foule du Hirak en ce 19 mars, jour qui symbolisait la fête de la Victoire, marquant l'anniversaire du cessez-le-feu du 19 mars 1962, après une guerre d'indépendance de près de huit ans avec la France. Visiblement, la foule qui a crié et brandi des pancartes avec le mot «indépendance » attend toujours d’être libéré d’un joug d’occupation plus lourd à supporter que celui de la colonisation.
Les généraux algériens sont considérés comme des colons par le peuple algérien, déterminé à arracher son indépendance et à juger ceux qui se sont accaparés les richesses du pays, et les ont spoliées.