Lancé mi-août, Gab ("bavardage" en anglais) compte déjà 100.000 abonnés et 200.000 personnes sur la liste d'attente. Celle-ci a été créée car le réseau social est encore en version test et veut s'assurer d'avoir une capacité d'accueil suffisante.
"Tous bienvenus pour s'exprimer librement" est la devise de ce nouveau réseau. Ce qui lui vaut d'attirer des personnalités apparentées à l'extrême droite devenues persona non grata chez Twitter, référence mondiale du microblogging avec quelque 317 millions d'utilisateurs actifs.
C'est le cas notamment de Richard Spencer, considéré comme l'un des chefs de file de cette mouvance. C'est lui qui s'est fait remarquer fin novembre en lançant "Hail Trump!" lors du congrès annuel de son groupe de réflexion, le National Policy Institute, à Washington.
L'un des éditorialistes les plus en vue du site Breitbart, proche de la mouvance extrémiste "alt-right", ne cache pas non plus son soutien au nouveau réseau."Tant qu'ils restent attachés à la liberté d'expression, ils sont plutôt une bonne chose", a déclaré le Britannique Milo Yiannopoulos qui a lui aussi rejoint Gab après la suspension de son compte Twitter.
Un autre réseau social, Voat, créé il y a deux ans, tente lui aussi de se poser en alternative, mais son audience est plus limitée.
Sur les forums et réseaux sociaux, nombreux sont les internautes qui commentent les évictions des réseaux sociaux traditionnels et annoncent leur intention de s'inscrire sur Gab. Quand ils ne l'ont pas déjà fait.
Outre Twitter, le réseau social Reddit a lui aussi annoncé, il y a quelques jours, un grand ménage pour se débarrasser des "utilisateurs toxiques".
Régulièrement décrit comme un foyer d'extrême droite, Gab, qui autorise jusqu'à 300 caractères par message contre 140 sur Twitter, conteste néanmoins cette étiquette.
"Gab est pour tout le monde et notre mission est de nous battre contre la censure à l'échelle globale", a assuré à l'AFP son porte-parole, Utsav Sanduja.
Il en veut pour preuve les pedigrees des trois fondateurs de Gab: lui-même, Canadien hindou d'origine indienne, Ekrem Büyükkaya, un musulman d'origine kurde, et Andrew Torba, l'actuel directeur général présenté comme un "chrétien conservateur".
Le site, domicilié dans l'archipel caribéen d'Anguilla, est auto-financé par ses trois fondateurs, ainsi que par des dons de la "communauté Gab", affirme-t-il, tout en refusant de détailler le modèle économique du réseau social, dont la publicité est absente.
Sur le jeune réseau social, les mots-clés, sur le même principe de "hashtag" que Twitter, et les messages laissent néanmoins pointer clairement une sensibilité pour la droite dure.
Lors d'une récente visite, un journaliste de l'AFP a pu lire de multiples messages ouvertement racistes ou antisémites.
Le règlement propre au réseau prohibe bien la "violence de toute sorte", l'apologie du "terrorisme" et les "menaces", mais sans plus.
"Nous pensons que la liberté d'expression est un droit fondamental, absolu, qui ne peut être vicié d'aucune façon", se défend Utsav Sanduja, interrogé sur ces messages haineux.
Plutôt que de modérer les contenus, Gab propose à ses abonnés de filtrer eux-mêmes les messages qu'ils ne souhaitent pas voir, grâce à des outils qui permettent de ne pas recevoir sur son fil des posts contenant certains mots ou provenant de certains usagers prédéfinis.
"C'est peut-être ouvert à tout le monde, mais cela n'attire pas tout le monde. Je crois que c'est là la grande différence", estime Lauren Copeland, professeure à l'université Baldwin Wallace et spécialiste des réseaux sociaux.
Même si, à en croire Ustav Sanduja, Gab voudrait "construire des ponts et promouvoir la compréhension entre différents groupes", Lauren Copeland estime qu'"ils ont créé une bulle qui permet à l'"alt-right" et à ses supporteurs d'exprimer leurs opinions sans être censurés".