De la Lettonie à la Thaïlande en passant par Madagascar, les prétendants apprendront du Comité du patrimoine mondial, dont la 45e session élargie démarre dimanche en Arabie saoudite, si la valeur exceptionnelle de leurs biens culturels ou naturels a été reconnue.
Parmi les 53 prétendants -un nombre important car la réunion de 2022, prévue en Russie, ne s’était pas tenue du fait de son invasion de l’Ukraine-, beaucoup sont méconnus...ou moins célèbres en tout cas que l’Alhambra en Espagne, la Grande muraille de Chine ou le parc Yellowstone aux Etats-Unis, ces joyaux du patrimoine mondial.
Il y a par exemple Koh Ker, éphémère capitale khmère du Xe siècle, située à 80 km d’Angkor, au nord du Cambodge. En partie cachée par une forêt dense, elle est composée de nombreux temples et sanctuaires aujourd’hui partiellement recouverts de végétation.
La Tunisie plaide de son côté pour que Djerba, île aujourd’hui plutôt associée au tourisme de masse, entre au patrimoine mondial en tant que «paysage culturel, témoignage d’occupation d’un territoire insulaire».
La Turquie fait de même pour des mosquées médiévales «dotées de colonnes et d’une structure supérieure en bois».
La France aspire, elle, à la reconnaissance universelle pour la Maison carrée de Nîmes, un temple romain deux fois millénaire et parfaitement conservé.
Tadjikistan, Turkménistan et Ouzbékistan ont monté une candidature commune pour le corridor de Zeravchan-Karakoum, un tronçon long de près de 900 km des routes de la Soie, qui irriguèrent l’Asie du IIe siècle avant notre ère au XVIe siècle.
Plusieurs pays ont également demandé l’extension de certains sites naturels déjà inscrits. Comme le Vietnam, pour la légendaire baie d’Ha Long, ou l’Azebaïdjan et l’Iran pour leurs vastes « forêts hyrcaniennes », à l’impressionnante biodiversité.
Sérénissime et surtourisme
Les inscriptions au patrimoine mondial apportent « une reconnaissance » aux pays concernés car elles attestent que leurs sites «sont importants et ont contribué aussi au développement de notre humanité», affirme à l’AFP Lazare Eloundou, directeur du patrimoine mondial à l’Unesco.
Elles peuvent apporter un développement économique via le tourisme, une opportunité pour les communautés locales, «garantes et gardiennes de ces sites depuis des générations», poursuit-il.
Cette année, un nouvelle tendance apparaît aussi dans les candidatures. Trois dossiers concernent des lieux de mémoire, quand ceux-ci sont jusqu’ici faiblement représentés au sein du patrimoine mondial.
Le Rwanda propose que quatre mémoriaux commémorant le génocide des Tutsi l’intègrent, tout comme l’Ecole supérieure de mécanique de l’armée (Esma) pour l’Argentine, un centre de torture sous la dictature (1976-1983) devenu musée. France et Belgique ont une démarche similaire pour des lieux liés à la Première guerre mondiale.
Aujourd’hui, 1.157 sites appartiennent au Patrimoine mondial, dont 900 culturels, 218 naturels et 39 mixtes.
Cinquante-cinq d’entre eux sont considérés «en péril» et six autres pourraient les rejoindre. Le couperet pourrait ainsi tomber pour Venise, car la Sérénissime est menacée par «la montée des eaux» et le «surtourisme», observe Lazare Eloundou.
La forteresse de Diyarbakir, légèrement endommagée par le séisme ayant dévasté cet hiver le Sud turc, est, elle, inquiétée du fait de «questions de développement , poursuit-il.
L’Unesco veut également inscrire les sites de Kiev et Lviv au patrimoine mondial en péril à cause de l’invasion russe car ils sont «menacés de destruction». «Il y a eu des attaques dans les zones tampons de ces sites et on ne sait pas ce qui va se passer par le futur», regrette-t-il.
Tous les dossiers ont été étudiés au préalable par des experts, qui ont soumis leurs recommandations, tant pour le placement au patrimoine en péril que pour l’intégration des nouveaux sites.
A titre d’exemple, ils sont favorables à l’inscription de Koh Ker (Cambodge), mais suggèrent de «renvoyer l’examen» du dossier de Djerba. Les Etats-membres du Comité du patrimoine mondial pourront suivre, ou non, leurs recommandations.