Au moment où l'armée russe est en passe de prendre le contrôle du port stratégique de Marioupol, sur la mer d'Azov, et d'étendre son offensive dans le sud et l'est de l'Ukraine, le croiseur lance-missiles Moskva a été «gravement endommagé», selon le ministère russe de la Défense, cité par les agences d'Etat Ria Novosti et Tass.
«En raison d'un incendie, des munitions ont explosé à bord», et l'équipage a été entièrement évacué, a indiqué le ministère, précisant qu'une enquête était en cours pour déterminer l'origine de cet incendie. Les autorités locales ukrainiennes ont affirmé pour leur part que le Moskva, un bâtiment de 186 mètres, avait été touché par des missiles.
«Des missiles Neptune qui protègent la mer Noire ont causé d'importants dégâts à ce navire russe», s'est félicité le gouverneur ukrainien de la région d'Odessa (sud), Maxime Martchenko.
Un porte-parole de l'administration militaire d'Odessa, Serguiï Bratchouk, a indiqué sur Telegram que «selon des données disponibles», des missiles ukrainiens étaient «à l'origine des sérieux dommages» subis par la navire.
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Le Moskva a été mis en service du temps de l'Union soviétique en 1983 et a participé à l'intervention russe en Syrie à partir de 2015.
Dans les premiers jours de l'invasion de l'Ukraine, il a pris part à une attaque contre l'île aux Serpents, près de la frontière roumaine, au cours de laquelle 19 marins ukrainiens ont été capturés pour être ensuite échangés contre des prisonniers russes.
A Washington, le président Joe Biden a promis à son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky une nouvelle aide militaire massive, de 800 millions de dollars, comprenant des équipements lourds que les Etats-Unis hésitaient jusqu'à présent à livrer à Kiev, de crainte d'aggraver encore leurs tensions avec Moscou et d'être considérés comme partie prenante à la guerre. Et ce, alors que la Russie a menacé de frapper des centres de commandement à Kiev, accusant l'Ukraine d'attaques contre son territoire.
«Nous voyons des tentatives de sabotage et de frappes des forces ukrainiennes sur des cibles sur le territoire de la Fédération de Russie», a déclaré Igor Konachenkov, porte-parole du ministère russe de la Défense.
«Si de tels événements se poursuivent, des frappes seront menées par l'armée russe sur des centres de prise de décision, y compris à Kiev, ce que l'armée russe s'est retenue de faire jusqu'à présent», a-t-il mis en garde.
Les forces russes se sont retirées fin mars de la région de Kiev. Pendant un mois, elle ont tenté d'encercler la capitale, en vain, et y ont mené des frappes.
Igor Konachenkov a par ailleurs annoncé mercredi que la zone du port de commerce de Marioupol avait été entièrement conquise.
Peu auparavant, Moscou avait annoncé la reddition de plus de mille soldats ukrainiens dans cette cité portuaire stratégique que ses forces assiègent et bombardent depuis plus de 40 jours.
Le maire de Marioupol Vadim Boïtchenko a démenti jeudi sur la chaîne allemande publique Das Erste la prise de contrôle russe du port de Marioupol, la qualifiant de «fausse nouvelle».
«Il est clair que l'armée russe a commis des milliers de crimes de guerre dans cette ville», a-t-il ajouté, en demandant à «la communauté internationale de faire preuve d'humanité en créant des couloirs humanitaires pour sauver des vies».
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L'Ukraine a annoncé jeudi une reprise des évacuations de civils via neuf couloirs humanitaires, notamment depuis Marioupol après une journée de suspension due selon Kiev à des violations russes du cessez-le-feu.
La prise de Marioupol serait une victoire importante pour les Russes car elle leur permettrait de consolider leurs gains territoriaux côtiers le long de la mer d'Azov en reliant la région du Donbass, en partie contrôlée par leurs partisans, à la Crimée que Moscou a annexée en 2014.
Si certains experts jugent sa chute inévitable, des militaires ukrainiens continuent de résister, les combats se concentrant désormais dans la gigantesque zone industrielle de cette ville.
Les bombardements aériens russes visent en particulier le port et le vaste complexe métallurgique Azovstal, a indiqué hier, mercredi, l'armée de terre ukrainienne.
Ce labyrinthe, transformé en bastion par les soldats ukrainiens qui se sont retranchés dans ses kilomètres de souterrains, promet une bataille acharnée.
Sur place, des journalistes de l'AFP embarqués avec les forces russes ont vu les ruines calcinées de cette ville que les Ukrainiens disent «détruite à 90%».
Depuis le début de la semaine circulent des rumeurs, jusqu'ici non confirmées, d'emploi d'armes chimiques par les Russes à Marioupol.
Moscou affirme pour sa part que «la menace de terrorisme chimique» vient des Ukrainiens.
Les bombardements continuent également dans la partie orientale de l'Ukraine, où ils ont provoqué la mort de sept personnes ces dernières 24 heures à Kharkiv, une ville du nord-est aussi assiégée depuis le début de l'invasion russe.
Kiev a appelé la population de ces régions à fuir au plus vite de peur d'une grande offensive russe imminente pour le contrôle total du Donbass, que les troupes ukrainiennes et leurs ennemis séparatistes prorusses se partagent depuis 2014.
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Des analystes considèrent que le président russe Vladimir Poutine, embourbé face à la résistance acharnée des Ukrainiens, veut obtenir une victoire dans le Donbass avant le défilé militaire du 9 mai marquant sur la Place Rouge la victoire soviétique sur les nazis en 1945.
Le chef d'une des deux «républiques» séparatistes prorusses unilatéralement proclamées dans ce vaste territoire minier, Léonid Passetchnik, a affirmé mercredi que ses troupes contrôlaient désormais 80 à 90% de la région de Lougansk, l'une des cibles prioritaires du Kremlin.
L'Ukraine est devenue une véritable scène de crime, a de son côté jugé mercredi à Boutcha, près de Kiev, le procureur de la Cour pénale internationale, le Britannique Karim Khan.
«Nous sommes ici parce que nous avons de bonnes raisons de penser que des crimes relevant de la compétence de la Cour sont commis. Nous devons transpercer le brouillard de la guerre pour parvenir à la vérité», a-t-il dit devant la presse dans cette localité devenue le symbole des atrocités du conflit. Des centaines de corps, selon les autorités ukrainiennes, y ont été découverts fin mars, la Russie niant pour sa part toute exaction en Ukraine.
Autour de la capitale comme ailleurs, les autorités ukrainiennes disent chaque jour trouver des cadavres dans les zones dont les Russes se sont retirés.
Dans un village du sud voisin de Kherson, une ville proche de la ligne de front, sept personnes ont été fusillées par des militaires russes dans une maison qu'ils ont ensuite fait exploser pour dissimuler le crime, a dénoncé mercredi le parquet général ukrainien.
A Dnipro, dans l'est, le maire-adjoint Mikhaïl Lyssenko a dit que les corps de plus de 1.500 soldats russes que «personne ne veut récupérer» reposaient dans des morgues de cette grande cité industrielle.
De son côté, le porte-parole du ministère russe de la Défense a fait état ce jeudi d'un drone Bayraktar TB-2, d'un chasseur MiG-29 et d'un hélicoptère détruits à Dnipro.
Igor Konashenkov a également déclaré que 770 cibles ont été touchées par des missiles et de l'artillerie, dont 9 postes de commandement et un système de défense S-300. Il a aussi fait état de 48 installations militaires touchées depuis les airs en 24 heures, sans toutefois préciser où ces cibles ont été touchées.
C'est dans ce contexte que le chef de la diplomatie irlandaise Simon Coveney se rend à Kiev en ce même jeudi pour s'entretenir avec le gouvernement ukrainien du soutien politique, sécuritaire et humanitaire de l'Irlande, membre non permanent du Conseil de sécurité de l'ONU.