La Cour pénale internationale (CPI) a ouvert une nouvelle enquête pour crimes de guerre dans la région soudanaise du Darfour, a annoncé jeudi son procureur Karim Khan dans un rapport au Conseil de sécurité de l’ONU alors que le Soudan est replongé depuis trois mois dans le chaos en raison d’un conflit entre deux généraux qui se disputent le pouvoir.
Et le Darfour, où la guerre civile du début des années 2000 avait fait environ 300.000 morts, n’est pas épargné par les atrocités. Les corps d’au moins 87 personnes qui auraient été tuées le mois dernier par les forces paramilitaires et leurs alliés ont notamment été enterrés dans une fosse commune dans cette région, a indiqué l’ONU jeudi.
La CPI avait été saisie en 2005 par le Conseil de sécurité sur la situation au Darfour et avait émis un mandat d’arrêt contre l’ancien dirigeant Omar el-Béchir, comprenant des allégations de génocide. «Nous risquons (...) de permettre à l’Histoire de se répéter; la même histoire épouvantable qui a poussé ce Conseil à saisir la CPI en 2005 de la situation au Darfour», a lancé le jeudi 13 juillet Karim Khan.
«La phrase trop souvent répétée de “plus jamais ça” doit signifier quelque chose, ici et maintenant, pour les populations du Darfour qui vivent dans l’incertitude et la souffrance, avec les cicatrices du conflit, depuis près de deux décennies», a-t-il insisté devant le Conseil.
Son bureau, dont le mandat se limite au Darfour, a ainsi «ouvert une enquête sur les incidents survenus dans le contexte des hostilités actuelles», selon son rapport, qui évoque un «large éventail» d’informations concernant des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité présumés depuis le début des combats en avril.
«Je veux envoyer un message clair à chaque belligérant, chaque commandant, chaque soldat qui possède une arme et croit qu’il peut faire ce qu’il veut: que s’en prendre intentionnellement aux civils, s’en prendre à leurs maisons, leurs commerces (...) sont des crimes interdits par le statut de Rome» qui a donné naissance à la CPI, a insisté le procureur.
«Rendre des comptes»
Evoquant pillages, maisons incendiées et exécutions extra-judiciaires, il a précisé avoir donné des « instructions » à ses services «pour donner priorité aux crimes contre les enfants, aux crimes sexuels et aux violences basées sur le genre».
Depuis le 15 avril, le chef de l’armée soudanaise, Abdel Fattah al-Burhane, un proche allié de l’Egypte, est en guerre contre son ex-numéro deux, le général Mohamed Hamdan Daglo, qui dirige les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR). Les sept voisins du pays, réunis jeudi au Caire, ont réclamé l’aide de la communauté internationale face à un conflit qui a déjà fait près de 3.000 morts et trois millions de déplacés et réfugiés.
Le Darfour, vaste région de l’ouest du Soudan, a été ravagé par une guerre civile qui a débuté en 2003 entre le régime à majorité arabe d’Omar El-Béchir et les insurgés issus de minorités ethniques dénonçant des discriminations. M. El-Béchir avait envoyé contre la rébellion la milice armée des Janjawids, qui ont par la suite donné naissance aux FSR.
Omar el-Béchir ainsi que les dirigeants Ahmed Haroun et Abdel Raheem Hussein sont réclamés depuis plus de dix ans par la CPI pour «génocide» et crimes contre l’humanité lors du conflit au Darfour. La seule personne à avoir comparu devant les juges de la CPI jusqu’ici est Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman, l’ancien chef des Janjawids, également connu sous son nom de guerre d’Ali Kosheib.