Au "Flat White", les clients peuvent commander des boissons à base de gingembre ou d'épices, sélectionner des grains de café de Colombie, de Tanzanie ou du Pérou, avant de s'asseoir pour lire une biographie de l'ancien président égyptien Gamal Abdel Nasser ou de l'ancienne dirigeante américaine Hillary Clinton.
Le tout dans un décor moderne et épuré, entre grands murs en béton, plantes et ampoules suspendues au plafond. En fond sonore résonne le bruit des machines que manipulent les baristas, des engins dont le prix avoisine les 3.500 dollars pièce (2.600 euros).
"Nous n'avions pas ce style hipster, c'est ce qui manquait au Qatar", affirme Nasser al-Nuaimi, copropriétaire de l'établissement avec sa femme Maryam. Cet entrepreneur de 35 ans a développé une véritable passion pour le café au cours de ses voyages, notamment aux Etats-Unis.
Lui qui travaille également dans le secteur de l'assurance s'est lassé des chambres d'hôtel où il faisait escale lors de ses voyages d'affaires. Lorsqu'il a découvert la culture des cafés hipster à l'occidentale, il a décidé de l'importer dans son pays. Il a ouvert le premier "Flat White" en 2012. Il y en a désormais trois dans la région de Doha.
"Après 17h en Europe, les gens ne boivent pas de café mais de la bière. Ici le café est notre passion, nous en buvons à tout moment de la journée", dit-il. Son établissement est rempli de clients, presque tous qataris. Des hommes son vêtus de dishdashas blancs traditionnels et des femmes de longues abayas noires, dans un pays où les locaux représentent à peine 10% de la population.
"Nous aimons ce café, l'atmosphère, l'énergie", confie Shamma, 19 ans, qui boit un cappuccino en dégustant un cheesecake avec son amie Mounira. "Je suis allée dans des cafés (de ce genre) à Londres et cela m'a vraiment plu. On retrouve la même ambiance ici", explique cette étudiante. "Il s'agit davantage d'un style de vie que de boire un simple café."
Attablés un peu plus loin, Mohammed et Jassim, deux ingénieurs de 34 ans, affirment que "Flat White" leur a fait apprécier un nouveau style de café. "Ils sélectionnent les graines dans des endroits spéciaux", souligne Mohammed. "Nous avons réalisé que ce que nous buvions habituellement n'était pas du café", assure-t-il, en faisant allusion à de célèbres marques occidentales.
Le café arabe est une boisson symbolique de la culture régionale, depuis des milliers d'années. Selon Jassim, les gens en boivent encore beaucoup, mais préfèrent le préparer chez eux. Car au Qatar, la boisson énergisante est loin d'être bon marché. Pour un café Chemex, fabriqué dans un récipient en verre spécial, il faut débourser 26 riyals qataris (environ six euros).
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C'est à Doha que la tasse de café est la plus chère au monde, avec un coût moyen de 5,5 euros, selon une étude récente du groupe de services financiers UBS.
Ces derniers mois, les magasins de café se sont multipliés à Doha - aucun chiffre officiel n'est toutefois disponible sur leur nombre exact. A Qanat Quartier, un district haut de gamme qui abrite notamment une réplique des canaux de Venise, des enseignes comme "Volume" et "Artist Cafe" ont vu le jour.
Cette vague hipster ne se limite d'ailleurs pas au café, puisqu'une boutique spécialisée dans les céréales de petit-déjeuner et le premier restaurant vegan du pays ont aussi ouvert leurs portes. Des magasins de café appartenant à des Qataris ont même vu le jour à Londres dans le quartier de Mayfair - surnommé le "Qatar Quarter" par la presse britannique - ainsi qu'un restaurant de burgers gastronomiques près du grand magasin de luxe Harrods.
La crise du Golfe, qui a vu quatre pays arabes imposer un embargo au Qatar, a également eu un impact: le Qatar souhaite désormais ouvrir ses premières usines de torréfaction de café, pour réduire la dépendance du pays à l'égard des importations et répondre à la forte demande.