Dans un communiqué publié le mercredi 14 août par le ministère algérien de la Défense (MDN), et immédiatement relayé par tous les médias audiovisuels, journaux et sites électroniques locaux, le régime algérien annonce avoir mis en échec un plan terroriste, attribué ouvertement au Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), et qui viserait à perturber le déroulement de la présidentielle anticipée du 7 septembre prochain.
Selon ce communiqué, «les services de sécurité combinés ont procédé, le 4 août 2024, au niveau du port de Bejaïa (5ème Région militaire), à l’arrestation du dénommé Zaïdi Moussa, en compagnie de son épouse, en possession d’une quantité d’armes à feu, de munitions, d’une somme d’argent en devises, ainsi que d’autres objets, minutieusement dissimulés dans leur véhicule, dans l’intention de les introduire clandestinement au pays depuis le port de Marseille (France)».
Cette affaire de saisie d’armes remonte donc à une dizaine de jours, soit au 4 août, date qui coïncide avec la Journée nationale de l’Armée algérienne. Elle a été instituée en juin 2022, et dès sa première édition, elle s’est empressée de décorer et réhabiliter les généraux ayant ensanglanté l’Algérie durant la décennie noire des années 90. Les deux principaux architectes de ce carnage, feu le général Khaled Nezzar et son compère, le général à la retraite Mohamed Mediène dit Toufik, ont été honorés par Tebboune le 4 août 2022.
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En plus d’avoir choisi cette Journée de l’armée, qui célèbre les bourreaux du peuple algérien en vue de mettre à nu le prétendu «complot terroriste», le communiqué du MDN a précisé que la saisie d’armes en question a eu lieu à Bejaia, la capitale de la Kabylie, qui, rappelons-le, fut avec Tizi Ouzou la dernière ville à poursuivre des marches du Hirak jusqu’à juin 2021. Ce sont donc les Kabyles qui sont, une fois de plus, jetés en pâture, dans un élan raciste, et livrés à la vindicte des autres Algériens, en établissant un lien non innocent entre Bejaia et le MAK. C’est d’ailleurs une habitude chez la junte militaire que de semer la division entre les Algériens, en accusant les indépendantistes kabyles de recourir à la violence et au terrorisme, alors que la MAK a fait de la lutte pacifique son credo. C’est pourquoi la Kabylie a fait du boycott électoral une stratégie d’opposition pacifique à l’égard du régime d’Alger.
De fil en aiguille, le communiqué du MDN ajoute ainsi que «suite à l’ouverture d’une enquête, le mis en cause a avoué son implication et son adhésion à l’organisation terroriste du MAK. Il a également affirmé que les armes saisies avaient été acquises par un réseau de cette organisation terroriste actif dans le territoire français, ayant planifié de les introduire au pays et les remettre à certains éléments des cellules dormantes de ladite organisation, qui agissent dans l’ombre afin de commettre des actions terroristes selon un agenda établi et commandité avec la complicité de services de renseignement étrangers hostiles à l’Algérie, ayant pour objectif de semer le trouble et l’insécurité et perturber, ainsi, le bon déroulement des prochaines élections présidentielles».
Pour amplifier cette histoire à dormir debout, le MDN précise que 19 personnes, prétendues membres du réseau du MAK, ont été arrêtées en possession d’une «autre quantité importante d’armes découverte dans un atelier clandestin de réparation d’armes à proximité de la ville de Bejaïa».
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Le mercredi 14 août au soir, en plus du procureur du tribunal de Ben Ahmed à Alger, qui a répété le contenu du communiqué du MDN à la télévision publique, cette dernière a diffusé ce qu’elle appelle «les aveux du terroriste du MAK».
L’on se rappelle qu’au tout début de l’année 2021, le régime algérien, paniqué par la reprise du Hirak après plusieurs mois d’arrêt, à la suite de la pandémie de Covid-19, avait sorti de son chapeau un faux terroriste, dénommé Abou Dahdouh. Ce dernier avait «avoué» sur les écrans des TV algériennes, et en prime time, qu’il a été manipulé par des pays étrangers, dont «un pays d’Afrique du Nord», en vue de commettre des attentats en plein Hirak. Depuis, les Algériens ont donné le nom de «dahdouhisme» à toutes les préfabrications d’aveux que la junte a réalisées plusieurs fois de suite. Et celle du mercredi n’échappe pas à la règle, puisqu’elle est une copie conforme des faux aveux d’Abou Dahdouh.
En effet, ces nouveaux aveux ont commencé par une bourde qui en dit long sur le ratage de la mise en scène. Le présumé terroriste a décliné son identité, en commençant par dire: «Je m’appelle le dénommé (sic!) Zaïdi Moussa». S’ensuivront les péripéties de ses pérégrinations en France, où il est arrivé en 1999 en tant que harrag, avant de devenir soudeur (mot qu’il a eu du mal à prononcer correctement) dans un atelier, puis sympathisant du MAK à partir de 2015. En 2022, il dit être devenu le responsable de la logistique et de l’armement au sein de ce mouvement, précisant qu’il achetait les armes au compte-gouttes en vue «de ne pas attirer l’attention». La France serait complice, selon ses dires, car à son départ du port de Marseille, il n’a pas été contrôlé, contrairement aux autres voyageurs. Mais à son arrivée à Bejaia, il a été immédiatement cueilli par la police et son arsenal saisi. Selon ses déclarations, cet armement était destiné à mener des opérations terroristes durant le processus électoral en Algérie.
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En plus de la France, il a déclaré que le MAK reçoit aussi un soutien important de la part du Maroc, des Émirats arabes unis et d’Israël. Décidément, le «dahdouhisme», en plus de permettre de brandir l’épouvantail du terrorisme pour annihiler toute opposition au régime, est tout simplement devenu un piètre montage de mensonges érigé en mode de gouvernance par la junte algérienne. Même la guerre fictive au Sahara marocain, dont se gargarisent quotidiennement les médias du pouvoir algérien, a eu droit à ce genre de fakes de la part de la TV publique algérienne.
Rappelons aussi que ce nouvel épisode d’aveux préfabriqués intervient dans le contexte de l’annonce par l’armée algérienne de son engagement, bien que cela ne soit pas son rôle, à sécuriser la campagne présidentielle et les opérations de vote du 7 septembre. «Alors que notre pays s’apprête à organiser des élections présidentielles anticipées le 7 septembre 2024, et comme elle l’a toujours fait lors des grands rendez-vous nationaux, l’Armée nationale populaire est pleinement disponible et prête à sécuriser toutes les étapes du processus électoral, en veillant à ce que toutes les conditions de sécurité soient réunies pour permettre aux citoyens d’accomplir leur devoir électoral dans un climat empreint de calme et de quiétude», écrit la revue mensuelle El Djeïch dans son numéro de ce mois d’août.
Malgré les violents accrochages militaires se déroulant ces derniers jours à sa frontière avec le Mali et l’avancée des troupes libyennes du maréchal Khalifa Haftar, qui menacent le sud-est du pays, l’armée algérienne, dont la mission première est de défendre les frontières du pays, a choisi la désertion vers les joutes politiques pour en faire son cocon.