Pour Xavier Driencourt, le recteur de la Grande Mosquée de Paris est un agent d’influence à la solde du régime d’Alger

Xavier Driencourt, invité de l'émission "La grande interview", le 7 janvier 2025 sur Cnews.

Xavier Driencourt, invité de l'émission La grande interview, le 7 janvier 2025 sur CNews.

Invité de l’émission «La grande interview», animée par Sonia Mabrouk sur la chaine d’information CNews, l’ancien ambassadeur de France à Alger a réagi aux menaces proférées contre la France par des influenceurs algériens.

Le 07/01/2025 à 16h00

Depuis quelques jours et à mesure que les relations franco-algériennes se crispent, les réseaux sociaux français sont devenus le terrain d’une propagande ultra violente dirigée contre la France par des influenceurs algériens.

Trois d’entre eux, qui résident pourtant en France, ont appelé à commettre des actes de violence, notamment des meurtres et des viols, à travers le territoire. Leurs propos, relayés sur la plateforme TikTok et suivis par des centaines de milliers de followers, ont abouti à leur arrestation par les autorités françaises. Et déjà, d’autres comptes d’influenceurs du même acabit, qui vouent une haine sans nom à la France, et une admiration sans faille pour le régime d’Alger, sont signalés quotidiennement.

C’est dans ce contexte de tension que l’ancien ambassadeur de France en Algérie, de 2008 à 2012 et de 2017 à 2020, s’est exprimé face à la journaliste Sonia Mabrouk le 7 janvier sur le plateau de l’émission «La grande interview» sur la chaine d’information CNews.

La journaliste a ainsi interpellé Xavier Driencourt sur l’arrestation de ces «prêcheurs de haine» et sur les leviers dont dispose le régime algérien en France. De l’avis de celui-ci, il n’y a pas à proprement parler de plan organisé par Alger pour déstabiliser la France, mais Xavier Driencourt garde toutefois en mémoire les propos que lui avait tenus, par le passé, un ancien ministre algérien aujourd’hui en prison du reste: «Monsieur l’ambassadeur, nous vous connaissons beaucoup mieux que vous ne nous connaissez». Pour Xavier Driencourt, «tout est dans cette formule». Ainsi, contrairement au ministre des Affaires étrangères français, Noël Barrot, qui a déclaré avoir des doutes quant aux bonnes intentions de l’Algérie vis-à-vis de la France, l’ancien ambassadeur à Alger estime quant à lui que «l’heure n’est plus aux doutes, mais à la certitude».

Et celui-ci de rappeler les leviers dont dispose le régime d’Alger en France, à commencer par les 6 à 7 millions d’Algériens et de Franco-algériens qui y résident et représentent près de 10% de la population, mais également les vingt consulats d’Algérie dans l’Hexagone alors même que la France n’en dispose que de trois en Algérie. Sans compter le rôle joué par la Grande Mosquée de Paris, dont le recteur Chems-eddine Hafiz, s’est récemment fendu d’un communiqué de presse aux allures propagandistes.

En effet, celui-ci y accuse le lanceur d’alerte franco-algérien, Chawki Benzehra, d’avoir affirmé sur CNews, «chaine d’extrême droite» selon le recteur de la mosquée, que l’institution musulmane «cherchait à déstabiliser la France»… Ce même Benzehra qui s’échine à dénoncer sur les réseaux sociaux les menaces et incitations à la haine diffusées par ses compatriotes algériens. Ainsi, plutôt que de le soutenir dans son entreprise, le recteur de la Grande Mosquée de Paris a préféré lui placer une cible dans le dos, le qualifiant de «blogueur méconnu», quand il est présenté en France comme un «lanceur d’alerte», et qu’il est de surcroît victime de menaces de mort. Autre cible de Chems-eddine Hafiz, Xavier Driencourt lui-même, qui, écrit-on dans le communiqué, «était invité pour tenir un discours similaire» sur la même chaine. Au sujet des propos tenus par ce dernier, le recteur les qualifie de «diffamatoires», visant à «stigmatiser l’ensemble des musulmans de France, à leur nier le droit fondamental de vivre dans notre pays, et à répandre l’idéologie de l’extrême droite au sein de notre société».

Interpellé à ce sujet, Xavier Driencourt ne mâche pas ses mots. «Je trouve que c’est tout à fait indigne de la part du recteur de la mosquée de Paris. J’étais ahuri quand j’ai lu ce communiqué qui lance une fatwa contre Benzehra et contre moi-même. Je paraphraserai le recteur en disant: “il est connu pour son hostilité aveugle contre le pays dans lequel il est en fonction”. Je dirai au recteur qu’il s’occupe de religion, mais qu’il ne fasse pas de politique. Il n’est pas l’ambassadeur officieux de l’Algérie et pour faire un parallèle, le cardinal archevêque d’Alger, Monseigneur Vesco s’occupe de religion et s’occupe fort bien des rares catholiques qui restent en Algérie, mais ne fait pas de politique et ne vient pas chercher ses ordres à l’Élysée».

Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, un agent d’influence? questionne Sonia Mabrouk. «C’est évident, et il ne s’en cache pas», répond Xavier Driencourt.

«Mais d’où vient donc la faiblesse de la France à l’égard de l’Algérie?», interpelle la journaliste. «L’Algérie c’est de la politique étrangère et de la politique intérieure», répond Xavier Driencourt, ce qui explique «la bienveillance spontanée de la classe politique française vis-à-vis de l’Algérie», tiraillée entre souvenirs et remords de l’histoire, alors même qu’elle n’éprouve pas le même ressenti à l’égard d’autres pays du Maghreb, d’Afrique ou encore de l’Indochine.

Pour Xavier Driencourt, le régime algérien «trouve sa légitimité dans la rente mémorielle et dans la falsification de l’histoire», fait précédemment souligné par Emmanuel Macron dans une ancienne interview accordée au journal Le Monde. «C’est cela le carburant du régime algérien, de répéter, de rabâcher, d’inoculer cela dans la tête des jeunes Algériens d’Algérie mais aussi de France qui lisent la presse algérienne, qui lisent les réseaux sociaux algériens», souligne-t-il.

Le résultat, la France le découvre aujourd’hui avec les menaces perpétrées par les propagandistes algériens ou encore l’arrestation de Boualem Sansal, qualifiée de «déshonneur» par Emmanuel Macron et de «prise d’otage» par Xavier Driencourt, laquelle s’inscrit dans le continuum d’une très forte dégradation de la relation franco-algérienne depuis la reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental, et la visite d’État du président Macron à Rabat, ou encore, l’attribution du prix Goncourt à Kamel Daoud. De quoi alimenter la thèse «du complot franco-maroco-sioniste», dont se gargarise le régime d’Alger, entrevoit Driencourt.

Quant aux solutions à cette situation, elles sont toutes trouvées et abondent. Il y a l’accord d’immigration de 1968 certes, mais pas seulement. À cela s’ajoute, rappelle le diplomate, «un échange de lettres de 2007 sur les passeports diplomatiques algériens qui sont exemptés de visas pour venir en France, l’accord de sécurité sociale franco-algérien de 1986, les réseaux des consulats algériens en France qui sont autant de réseaux du pouvoir algérien en France, les réseaux des mosquées et de la mosquée de Paris notamment».

Ainsi, selon Xavier Driencourt, «il est possible de reprendre le contrôle, à condition d’en avoir la volonté politique et à condition de pouvoir jouer sur toutes les touches du clavier administratif dont la France dispose». Le problème étant, conclut-il, «que nous sommes, nous Français, dans un état démocratique, un état de droit, ouvert, face à l’Algérie, un régime autoritaire, policier».

Par Zineb Ibnouzahir
Le 07/01/2025 à 16h00