La question se pose actuellement avec acuité en France, au point de se demander s’il ne s’agit pas d’un «tobaccogate». Tout a commencé par une plainte déposée début février par une association anti-tabac devant la justice française contre quatre des principaux fabricants mondiaux pour «mise en danger délibérée de la personne d’autrui». Il paraît ainsi que les cigarettes consommées en France, ou ailleurs, contiendraient des taux de goudron et de nicotine supérieurs à la normale.
Pire encore, selon la plainte dont le quotidien Le Monde s’est fait écho dans son édition en ligne du 9 février, «la teneur réelle en goudron et en nicotine serait entre deux et dix fois supérieure [à celle indiquée] pour le goudron et cinq fois supérieure pour la nicotine». Cela alors que, paradoxalement, les taux de ces deux substances mesurés par l’autorité de régulation paraissent bien conformes aux normes et coïncident surtout avec les quantités sur lesquelles se sont engagés les fabricants.
En réalité, affirme le journal, les chiffres du régulateur seraient biaisés et la cause en serait le filtre, plus précisément ses micro-perforations. En d’autres termes, le filtre censé limiter la quantité du goudron et de nicotine inhalée par le fumeur réagit de manière différente selon qu’il est branché à un appareil de mesure réglementaire de ces deux substances ou qu’il est entre les lèvres ou les doigt d’une personne.
Dans le premier cas, la pression sur le filtre est contrastée et le volume de la fumée également, alors que les pressions exercées par les doigts ou les lèvres lors du fumage altèrent le fonctionnement de ses micro-perforations. Il laisse ainsi passer beaucoup plus de goudron et de nicotine qu’il n’en faut.
En conséquence, un fumeur qui consomme manifestement un paquet par jour, fume réellement l’équivalent de deux à dix paquets, estime le Comité national contre le tabagisme (CNCT, association reconnue d’utilité publique), initiateur de cette plainte. Pour sa part, l’avocat du CNCT va plus loin en affirmant que les maladies qui apparaissent aujourd’hui seraient, au moins en partie, «le fruit de cette tromperie, qui dure depuis de nombreuses années».
Le pire, affirme Le Monde, est que les auteurs de cette plainte, en se servant des documents des fabricants, ont pu établir que ces derniers avaient, de longue date, connaissance de ce déphasage entre les taux réels et ceux relevés par les dispositifs de mesure utilisés par les autorités publiques de régulation.