Ces discussions tendues en Suisse, à Genève, entre les vice-ministres américaine et russe des Affaires étrangères, Wendy Sherman et Sergueï Riabkov, ouvrent une semaine intense de diplomatie après une guerre des mots d'une rare intensité depuis la fin de la Guerre froide.
Les Occidentaux accusent en effet les Russes de vouloir envahir l'Ukraine.
«Nous avons expliqué aux collègues que nous n'avons pas de plans, pas l'intention d'attaquer -entre guillemets- l’Ukraine», a dit le négociateur russe au terme d'une réunion de près de huit heures, réaffirmant que le déploiement de dizaines de milliers de soldats par son pays à la frontière était une réaction à la présence accrue de ses rivaux occidentaux de l'Otan, jugée menaçante par Moscou.
Son homologue américaine a répliqué que le Kremlin pouvait engager une «désescalade» et «prouver qu'il n'a pas l’intention» d'envahir l'Ukraine en «renvoyant dans leurs casernes» les «100.000 soldats» amassés à sa frontière ces dernières semaines. Mais elle a déploré ne pas avoir eu de «réponse» à ce sujet.
Le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price a prévenu qu'il ne fallait s'attendre à «aucune percée» cette semaine, au terme de laquelle Américains et Russes discuteront ensemble de la voie à suivre.
A Washington, le Pentagone a d'ailleurs dit n'avoir constaté «aucun changement majeur» ni «aucune diminution» du nombre des militaires déployés.
Wendy Sherman a expliqué avoir redit à Sergueï Riabkov que toute invasion de l'Ukraine occasionnerait à la Russie de la part des Occidentaux des «coûts significatifs», «énormes».
«Pas désespérée»Le sujet doit maintenant être discuté en incluant les Européens et l'Ukraine, au cours d'une réunion Otan-Russie demain, mercredi 13 janvier 2022 à Bruxelles, puis d'une rencontre le lendemain, jeudi, à Vienne de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), la plateforme de dialogue Est-Ouest issue de la Guerre froide.
«La situation n'est pas désespérée», a estimé le vice-ministre russe, mais «il ne faut pas sous-évaluer les risques liés à une aggravation de l'évolution de la confrontation».
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Les deux camps semblent être tombés d'accord pour poursuivre leurs discussions.
«Cela aurait pu être pire. Au moins, aucune partie n'a jeté l'éponge de la diplomatie», a commenté sur Twitter Samuel Charap, un spécialiste des relations américano-russes au cercle de réflexion Rand Corporation. «Maintenir une ligne de dialogue ouverte n'est pas facile dans ces circonstances.»
Concernant la revendication-clé de la Russie, à savoir l'obtention de garanties de sécurité dans un traité bannissant tout élargissement de l'Otan et réduisant la présence militaire occidentale dans les environs de la Russie, le dialogue de sourds semble s'être poursuivi.
«Nous avons l'impression que la partie américaine a pris très au sérieux les propositions russes», s'est félicité Sergueï Riabkov.
«Il faut qu'un vrai geste en direction de la Russie soit fait», a-t-il martelé, assurant que «jamais au grand jamais» l'Ukraine ne doit rejoindre l'Alliance atlantique.
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Pourtant, Wendy Sherman a semblé dire l'exact contraire, assurant avoir été «ferme» dans son «opposition aux propositions de sécurité qui sont tout simplement irrecevables aux Etats-Unis». «Nous n'autoriserons personne à fermer la politique de portes ouvertes de l’Otan», a-t-elle insisté.
Elle a revanche émis des idées pour nourrir de futures négociations, notamment sur une future limitation «réciproque» concernant le déploiement de missiles et sur les manoeuvres militaires en Europe.
Dans le même temps, deux soldats ukrainiens ont été tués hier, lundi 10 janvier 2022, après avoir sauté sur un engin explosif dans l'est de l'Ukraine. Ce sont les premiers à avoir péri cette année dans cette région où l'armée gouvernementale fait face aux séparatistes prorusses.
«URSS 2.0»?Dans une tranchée boueuse sur la ligne de front, un militaire ukrainien ne se faisait guère d'illusions quant à la capacité des Occidentaux à faire reculer Moscou.
«Des garanties sur une non-adhésion à l'Otan n'arrêteront pas» Vladimir Poutine, estimait Mikhaïlo, 29 ans. «Il veut en venir à une Union soviétique 2.0.»
Les Occidentaux ont menacé le Kremlin de sanctions «massives» en cas de nouvelle agression contre l'Ukraine, la Russie ayant déjà annexé en 2014 une partie de son territoire, la Crimée, en réaction à une révolution pro-occidentale à Kiev et étant accusée de soutenir les séparatistes des régions orientales.
Le président russe, qui s'est entretenu à deux reprises avec son homologue américain Joe Biden en décembre, a prévenu que de nouvelles sanctions contre son pays seraient une «erreur colossale». Vladimir Poutine avait aussi menacé d'une réponse «militaire et technique» en cas de «maintien de la ligne très clairement agressive» de ses rivaux occidentaux.