L’annonce de l’émission d’un mandat d’arrêt international contre Benjamin Netanyahu m’a apporté du baume au cœur. C’est un sentiment étrange, très personnel. Bien sûr, les plus cyniques me diront que cette mesure de la CPI (Cour pénale internationale) est avant tout symbolique et que le Premier ministre israélien ne risque pas de se retrouver derrière les barreaux. C’est une perspective lointaine. Mais ce symbole est fort. Nous avons besoin de ce symbole parce que la moitié de la Terre a besoin de savoir que l’autre moitié désapprouve les massacres et les crimes perpétrés à Gaza.
On va admettre que c’est avant tout une condamnation morale. Oui, admettons. Mais Dieu sait combien cela fait du bien, déjà.
Pour comprendre une situation donnée, il faut toujours prendre en compte le point de vue de l’autre et tenter de le comprendre, à défaut de le cautionner. Le rôle de l’observateur et du chroniqueur du temps qui passe est d’ailleurs là. Il faut aller un peu plus loin, en se délestant de ce redoutable manichéisme qui aveugle les esprits et les cœurs, et en tournant le dos à ce désir coupable de caresser les souffrances dans le sens du poil. Il y a toujours cette idée de donner à voir ce que d’autres ne peuvent pas, ou ne veulent pas voir.
Que nous dit, donc, cet autre point de vue? En tendant l’oreille et en faisant preuve de discernement, ce qui reste une gageure au milieu du bruit des explosions, on se rend à certaines évidences.
L’autre point de vue nous dit que la moitié de la Terre se complaît dans une posture de victime qui l’empêche de retenir la date du 7 octobre 2023, quand des activistes (terroristes, selon cet autre point de vue) du Hamas ont tué ou kidnappé des centaines de civils israéliens. Il nous dit qu’Israël s’est lancé dans une expédition punitive dans le but de retrouver les otages et de démilitariser la bande de Gaza. En éliminant, au passage, les responsables du 7 octobre.
L’autre point de vue nous dit que l’État hébreu doit assurer sa sécurité. Qu’il ne peut pas faire la paix avec le Hamas qui nie jusqu’à son existence et veut le jeter à la mer. Et que, partant, même un cessez-le-feu à Gaza ne le protège pas contre des attaques futures.
Un ancien leader sioniste avait dit quelque chose de très juste: les Arabes peuvent perdre toutes les guerres, ce qui ne les empêchera jamais de recommencer. Mais Israël ne peut pas se permettre de perdre la moindre guerre. Elle n’a pas ce luxe parce que cela peut lui être fatal parce qu’il y va de son existence…
Mais en poursuivant les frappes, plus d’un an après, tuant des dizaines de milliers de civils pris au piège, et même en faisant l’effort d’éviter de qualifier cela de génocide, il devient quasi impossible d’écouter cet autre point de vue.
Netanyahu, ça suffit! En poursuivant sa «guerre» en Palestine, et au-delà de toutes les contingences, le Premier ministre israélien finira par rendre cet autre point de vue inaudible. Ce n’est pas rien, parce que l’État hébreu a construit toute sa légitimité sur le caractère audible de son discours, qui revient à dire, en résumé: avant de nous condamner, écoutez nos souffrances.
Et les souffrances des autres, alors?