Malgré l’annonce hier lundi d’une prolongation de 72 heures de la trêve, les combats font toujours rage au Soudan. Selon un bilan encore très sous-évalué, plus de 500 personnes ont été tuées et 5.000 blessées depuis le 15 avril, date à laquelle l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo ont commencé à se livrer une féroce bataille.
Ces affrontements pourraient pousser à la fuite «plus de 800.000 personnes», alerte l’ONU. Déjà 75.000 personnes sont déplacées à l’intérieur de ce pays de 45 millions d’habitants. Au moins 20.000 ont fui vers le Tchad et des dizaines de milliers d’autres ont rejoint l’Egypte, la Centrafrique, le Soudan du Sud et l’Ethiopie.
Une escalade «sans précédent»
Le conflit a pris de court les habitants du pays, l’un des plus pauvres au monde, mais aussi la communauté internationale. «L’échelle et la vitesse à laquelle se déroulent les événements au Soudan sont sans précédent», a jugé dimanche l’ONU, qui a dépêché à Nairobi le chef de l’agence humanitaire des Nations unies Martin Griffiths.
Pour ce dernier, la «situation humanitaire atteint un point de rupture»: les pillages massifs ont «épuisé la plupart des stocks» des organisations humanitaires sur place, dans un pays où un tiers des habitants souffraient déjà de la faim avant la guerre.
Idem pour la situation sanitaire. Aujourd’hui, «seuls 16% des hôpitaux de Khartoum opèrent à pleine capacité», a expliqué le directeur régional de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Ahmed Al-Mandhari. Les autres ont été bombardés, occupés par des belligérants, ou n’ont plus de personnel ni de stocks. Premier signe encourageant en plus de deux semaines de combats ininterrompus: le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) est parvenu dimanche à acheminer huit tonnes d’aide. Mais cela ne permettra de soigner, selon lui, que «1.500 blessés».
L’OMS a annoncé avoir envoyé « six containers d’équipements médicaux par bateau à Port- Soudan» (est) et s’engager à payer «le fuel distribué dans différents hôpitaux» pour faire marcher les générateurs. De son côté, le Programme alimentaire mondial a dit reprendre ses activités suspendues après la mort de trois de ses employés.
Des civils piégés
À Khartoum, le piège se referme sur les habitants: quand ils ne fuient pas, ils restent barricadés, essayant de survivre malgré les pénuries de nourriture, d’eau et d’électricité, ou encore des balles perdues qui transpercent murs et fenêtres.
L’ONU s’inquiète particulièrement de la situation au Darfour-Ouest, où une centaine de personnes ont été tuées dans des combats auxquels, selon elle, participent des civils. Au Tchad voisin, arrivés à dos d’âne, à cheval, sur des charrettes ou à pied, des réfugiés disent avoir été pris pour cible par les FSR du général Daglo. «Ils ont attaqué notre village et lorsque certains d’entre nous ont voulu sortir de leur maison, ils les ont tués», raconte Bousseyna Mohamed Arabi, 37 ans.
«Efforts diplomatiques timides»
Sur le plan diplomatique, les efforts se poursuivent: Ryad veut convoquer l’Organisation de la coopération islamique après avoir reçu un émissaire du général Burhane. La Ligue arabe -divisée sur le Soudan- a reporté pour sa part à aujourd’hui la suite de ses discussions, tandis que les Émirats arabes unis, alliés du général Daglo, ont annoncé avoir appelé le chef de l’armée.
Plusieurs pays continuent les évacuations. Deux navires américain et saoudien ont ainsi évacué lundi près de 500 personnes vers l’Arabie saoudite. Cet «exode reflète une réalité bien sombre», regrette Alex de Waal, spécialiste du Soudan. Les États-Unis comme les autres puissances ne font que des «efforts timides et tardifs pour arrêter les combats et aider les Soudanais».